Le point de vue biblique
Un chrétien devrait-il “parler en langues”?
LE “DON des langues” est un phénomène religieux en plein essor actuellement. Jusqu’ici il existait diverses dénominations “pentecôtistes” qui priaient en proférant des sons inintelligibles, mais aujourd’hui le mouvement a gagné des pasteurs luthériens, épiscopaliens et presbytériens, et même des prêtres catholiques qui en sont adeptes ou bien qui le soutiennent.
Le “renouveau charismatique” a fait son apparition dans l’Église catholique il y a quelques années aux États-Unis. En 1967, une poignée de “catholiques pentecôtistes” s’étaient rassemblés à l’université Notre-Dame d’Amérique. Mais, en 1973, ils étaient vingt mille qui tenaient leur “rassemblement annuel de Pentecôte”. Quelques semaines plus tard, des jeunes catholiques, des personnes âgées, des prêtres et des religieuses, tous membres du mouvement, se réunissaient pour le même motif à l’université Loyola de Los Angeles.
Pourquoi cet intérêt pour la glossolalie ou don surnaturel des langues? Parlant pour l’Église épiscopale, le pasteur Schiffmayer déclara à la revue Newsweek que “les épiscopaliens sont arrivés aujourd’hui au point où ils veulent à tout prix professer publiquement le christianisme”. L’article laissait également entendre que chez nombre de catholiques, la glossolalie a pris la place des “médailles miraculeuses”, des neuvaines et autres dévotions adressées à Marie, qui constituaient jusqu’au concile Vatican II une part importante du culte rendu par les laïcs. Un intérêt identique pour les “dons”, particulièrement celui des “langues”, se dessine en France, en Corée, en Indonésie, aux Philippines, au Japon, en Malaysia et dans bien d’autres endroits du monde.
Voici, à titre d’exemple, ce qui se passe dans une communauté “pentecôtiste” américaine: le pasteur prononce un sermon enflammé, ponctué par les cris enthousiastes de son auditoire. Le piano joue un air rythmé, soutenu par une batterie et par les fidèles qui tapent des mains en cadence pour ajouter au vacarme. L’auditoire se dandine, se balance et pousse des gémissements pendant qu’à l’arrière un jeune enfant bat la mesure avec un tambourin. La prière est une plainte inintelligible, décrite dans la revue Time comme “une émission de voix puissante où se mêlent gémissements, lamentations et cris”. Au cours de ces réunions, les adeptes sont invités à “accepter Jésus” et à prier pour recevoir l’esprit saint qui leur permettra, croient-ils, de prier en “langues”, c’est-à-dire dans des langues inconnues aux hommes.
La vraie Pentecôte
Le mouvement porte le nom de “renouveau charismatique” ou “pentecôtisme” parce qu’on le confond à tort avec ce qui s’est produit lors de la Pentecôte de l’an 33. Ce jour-là, environ cent vingt fidèles disciples du Christ furent remplis d’esprit saint, comme Jésus l’avait promis (Jean 14:26). Ils reçurent le pouvoir miraculeux d’enseigner les étrangers dans leur propre langue. Ce don des “langues” leur permit d’être compris de Juifs venus de plus de 15 pays différents et qui étaient montés à Jérusalem pour assister à la fête. Ces gens représentaient les trois continents. Ils venaient de la Mésopotamie en Orient, de Rome en Occident et de Libye et d’Égypte. Tous entendaient parler dans leur langue “des choses magnifiques de Dieu”. Comme ils purent écouter et accepter le message, beaucoup d’entre eux l’apportèrent chez eux et le propagèrent rapidement à un très grand nombre de gens. — Actes 2:5-11.
Ces premiers chrétiens ne parlaient ni des “langues inconnues” ni les “langues des anges”. À l’inverse des divers groupements “pentecôtistes”, ils n’employaient pas non plus un jargon inintelligible qui aurait tenu lieu de prière adressée à Dieu. Par contre, ils parlaient des langues étrangères. D’ailleurs, voici le point de vue exact sur ce qui s’est passé lors de la Pentecôte, selon le célèbre Dictionnaire de la Bible de Vigouroux: “Il ne s’agissait pas de langues créées de toutes pièces, ni de cris inarticulés, ni d’exclamations extatiques, ni même seulement d’expressions figurées et enthousiastes, mais de langues connues et parlées par d’autres hommes, dont le Saint-Esprit communiquait l’usage momentané à certains fidèles.” — Tome IV, colonne 80.
“Les langues” devaient cesser
Le don surnaturel des langues a-t-il sa place dans le christianisme aujourd’hui? Il importe de connaître la réponse, que nous considérions les “langues” comme des langues étrangères, ce qui était le cas à la Pentecôte, ou bien comme une aide pour prier, ainsi que cela se passe dans les mouvements “pentecôtistes”. Les gens qui croient qu’un chrétien devrait parler en “langues” seraient très surpris, s’ils ouvraient la Bible qu’ils portent souvent sur eux, de lire que l’apôtre Paul a dit expressément que le don miraculeux des langues ne durerait pas. En effet, il écrivit: “Qu’il y ait des langues, elles cesseront.” — I Cor. 13:8.
Beaucoup de “pentecôtistes” seraient également surpris de lire que tous les premiers chrétiens ne parlaient pas en “langues”. Paul écrivit ce qui suit à la congrégation de Corinthe: “Tous ne parlent pas en langues, n’est-ce pas?” — I Cor. 12:30.
D’ailleurs, il semble que la congrégation de Corinthe attachait beaucoup trop d’importance à cette question des langues, et Paul dut la reprendre sur sa façon de voir. Il posa cette question: “Si je venais maintenant vous parler en langues, frères, en quoi vous servirais-je (...)?” Il aurait fallu expliquer ce qu’il disait “en langues” dans un langage intelligible. Selon lui, la voix, tout comme un instrument de musique, ne devait pas émettre un son “indistinct”. Il ne faut donc pas ‘parler en l’air’, mais plutôt prononcer “des paroles intelligibles”, pour que les assistants puissent saisir “ce qui est exprimé”. — I Cor. 14:6-9.
À l’aube de la congrégation chrétienne, ces dons étaient nécessaires pour attester d’une manière spectaculaire que Dieu avait retiré sa faveur à la nation juive pour l’accorder à la jeune congrégation chrétienne (Héb. 2:2-4). Au mont Sinaï, 1 500 ans plus tôt, des miracles avaient eu lieu pour prouver que Dieu participait effectivement à l’alliance de la Loi juive par l’entremise de Moïse. Ceci établi, les miracles prirent fin (Ex. 19:16-19). Or, des miracles identiques manifestèrent que Dieu transférait sa faveur sur la congrégation chrétienne. Ce fait également établi, ces miracles cessèrent à leur tour.
Après la Pentecôte, aucun texte des Écritures ne montre que quelqu’un ait reçu le don de l’esprit hors de la présence d’un ou de plusieurs apôtres choisis directement par Jésusa. Finalement, quand la dernière personne à avoir reçu des apôtres un don miraculeux de l’esprit mourut, les dons ‘passèrent’, tout comme Paul l’avait prédit.
Subsisterait-il un don quelconque de l’esprit? Ce qui devait rester, d’après l’apôtre Paul, ce n’étaient pas des langues, mais plutôt ceci: “Or, maintenant demeurent la foi, l’espérance, l’amour, ces trois-là, mais le plus grand des trois, c’est l’amour.” — I Cor. 13:8-13.
L’origine du don des “langues” dans les “mouvements de Pentecôte”
Que penser des “mouvements de Pentecôte” modernes qui parlent en langues, dans les diverses Églises de la chrétienté? Contrairement à la prédication qui eut lieu lors de la Pentecôte, ces groupements considèrent le parler en langues comme une prière. Pour eux, le langage humain ne permet que de dire: “Dieu est bon”, “Dieu est amour” ou d’autres formules de ce genre. Mais ils croient qu’en se laissant aller à proférer des mots inconnus (“des voyelles, des consonnes, des voyelles, des consonnes, laissez tout ça sortir”, disait un prédicateur protestant aux gens qui n’arrivaient pas à trouver le “don”), ils laissent l’esprit “formuler une prière parfaite”, ce qui ne serait pas possible en l’absence des “langues”.
D. Merrifield, recteur de l’université jésuite Loyola, prie de cette façon. À son avis les langues sont “une bonne formule pour prier et louer Dieu”.
Pourtant, puisque l’apôtre a écrit sous inspiration que ce don passerait, l’usage moderne qui consiste à parler en langues ne peut venir de la même source que chez les premiers chrétiens. Toutes les œuvres miraculeuses accomplies au nom de Jésus ne viennent pas forcément de lui. Jésus n’a-t-il pas fait cette prédiction: “Beaucoup me diront en ce jour-là: ‘Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et expulsé des démons en ton nom, et fait de nombreuses œuvres de puissance en ton nom?’ Et pourtant à eux je confesserai alors: Je ne vous ai jamais connus!” — Mat. 7:22, 23.
Le recteur de l’université Loyola, qui parle en langues depuis des années, déclara d’ailleurs: “Les langues sont parfois un phénomène hystérique ou, d’après certains, diabolique.”
Todd Fast, pasteur de l’Église épiscopale Saint-Clément en Californie, parle en langues depuis 1969. Il déclara: “Tout n’est pas clair dans les langues. Le Diable ne manque pas d’instruments et, quand on reçoit le baptême du Saint-Esprit [les pentecôtistes pensent que parler en langues en est le signe], alors il attaque pour de bon.” Dans ce cas, est-on en droit de penser que Jésus va ‘connaître’ ou reconnaître les adeptes de cette pratique?
Les Écritures nous mettent en garde contre “l’opération de Satan, avec toutes les œuvres de puissance, et avec des signes et des présages mensongers”. — II Thess. 2:9.
Les chrétiens doivent parler d’une façon intelligible
T. Smith, pasteur d’une secte américaine et spécialiste de l’Histoire au célèbre Institut Johns Hopkins, reconnut lors de la cinquième réunion annuelle de la Société d’études pentecôtistes, tenue à Ann Arbor en décembre 1975, que “le don des langues” des divers mouvements pentecôtistes est contraire aux Écritures. Il admit que le don surnaturel des langues plaît “à cause de son mystère” et parce qu’il “dépasse la raison”. Il déclara toutefois que c’est aujourd’hui un “raccourci erroné” qui provient d’une mauvaise intelligence de la Bible. Il soutint que les “langues” mentionnées dans le “Nouveau Testament” se rapportaient à des idiomes connus et non à quelque parler inconnu. Il souligna également que tout dans les Écritures tend vers “le raisonnable et la clarté” et que la glossolalie, parce qu’elle consiste à parler en des langues inconnues, défie l’intelligence. Donc, en conclusion, il dit que “ni le Nouveau Testament, ni l’Église primitive, ni l’Histoire ne fournissent d’indices en faveur de ce genre de don des langues”. Il termina en invitant les pasteurs pentecôtistes à “être assez honnêtes intellectuellement pour réparer cette méprise en adultes responsables”. — Christianity Today, 2 janvier 1976.
Oui, il faut être sincère quand on examine le point de vue des Écritures. Les véritables disciples de Jésus Christ devraient parler du fond de leur cœur et avec tous leurs esprits, plutôt que proférer des mots inintelligibles pour eux-mêmes et pour leur entourage. Le chrétien usera donc d’un langage qui touche le cœur et l’esprit, de telle façon que ses auditeurs, concernés par ce qu’ils auront compris, et non touchés par les sentiments ou par quelque phénomène à sensation, pourront dire: “Dieu est vraiment parmi vous.” — I Cor. 14:24, 25.
[Note]
a Vérifiez dans votre Bible les cas où le don fut conféré à des chrétiens et vous verrez que les apôtres étaient toujours présents. Les textes de références sont Actes 10:44-46; 19:6.