La religion se modernise
ÊTES-VOUS fatigué ? Un film vous dirait-il ce soir ? Allez à l’église ! Peut-être la fièvre de la journée vous a-t-elle excité et vous aimeriez mieux sortir et passer la soirée à danser. Allez à l’église ! Vous préférez peut-être un spectacle de variétés : magie, comédie, ventriloquie, musique instrumentale, ou bien, si vous êtes un fervent du sport, une partie animée de basket ? Vous l’avez deviné : l’église est le lieu qui vous convient, car, de nos jours, la sévérité et l’austérité de cette institution traditionnelle disparaissent rapidement. Si vous résidez dans une ville progressiste comme Madison, Wisconsin, U.S.A., soyez averti que vous aurez besoin d’un guide bien informé pour trouver l’église de la localité. La revue Time disait tout dernièrement à propos du nouvel édifice des Unitariens, à Madison : “ Il faudra dire à certaines personnes que c’est une église. ” Oui, grâce à l’architecture et à la construction modernes, “ la forme des choses ” change vraiment. La religion s’est modernisée radicalement !
La religion avait des raisons pour se moderniser. Ce vingtième siècle a vu le monde entier se moderniser rapidement, et, dans de nombreux cas, l’église a été laissée dans l’embarras pour ce qui est des méthodes de construction périmées et des services hebdomadaires, vestiges du passé. En août 1953, un groupe d’étudiants pour le ministère presbytérien fit une tournée d’inspection dans les églises de Chicago pour voir où elles en étaient par rapport à l’ouvrier moderne. Quels en furent les résultats ? Ainsi que le déclara le Daily News de Chicago, le 18 août, les rapports de ces étudiants séminaristes étaient parsemés de commentaires tels que “ trop intellectuel ”, “ trop abstrait ”, “ aucun rapport avec la communauté ”, “ prédication ennuyeuse ”. “ Je regrette d’avoir à dire ”, déclara un étudiant-ministre, “ que si j’étais ouvrier, j’aimerais mieux rester à la maison pour lire le journal que d’écouter ces sermons. ”
D’après une autre enquête, menée en décembre 1953 par le Catholic Digest, une personne sur trois aux États-Unis fait précisément cela : rester à la maison. La vision de la “ banqueroute spirituelle ” s’offre aussi à l’Angleterre. Selon David Hood, évangéliste de Londres, “ dans une seule ville anglaise de 200 000 habitants, moins de 2 000 fréquentent l’église, et la condition des autres villes anglaises est presque aussi déplorable ”. De l’Europe continentale parviennent des nouvelles selon lesquelles “ le pourcentage des gens qui vont à l’église en Europe est vraisemblablement moindre que dans l’Afrique dite ‘ païenne ’ !
La question se pose : “ Que faire ? ” La réponse d’un prédicateur, le Dr Dallas F. Billington d’Akron, Ohio, se chiffre à un million de dollars. Son temple baptiste d’Akron est le comble de la modernité. Avec ses marquises de glace et de marbre, ses enseignes au néon étincelantes et ses haut-parleurs extérieurs, elle invite bruyamment les gens à y entrer. Pour défendre ses méthodes coûteuses, le Dr Billington dit : “ Jésus a dit : “ Que votre lumière luise ”, aussi nous avons le néon au sommet. Il a déclaré : “ Contraignons les hommes partout... ” Je crois qu’il voulait dire les contraindre en construisant des temples magnifiques, en ayant des baptistères débordants, des fleurs vivantes dans les baptistères, des portes de verre ou tout ce qui est légitime et divin pour qu’ils entrent dans la maison de Dieu afin d’y entendre la parole de Dieu. ”
Il semble que les paroles du Dr Billington fassent écho aux sentiments d’un nombre sans cesse croissant d’hommes religieux. En 1950, ils donnèrent, à l’appui de ces sentiments, 200 millions de dollars pour la construction d’églises. En 1953, leur investissement annuel en vue de l’avenir s’était élevé à 473 millions de dollars. Ils prédisent maintenant une dépense de 500 millions de dollars en 1954.
Vous pourriez vous demander ce que tous ces dollars religieux achètent exactement. Presque tout ce que l’industrie moderne utilitaire a à offrir. Béton et acier remplacent la maçonnerie de pierre ; des bâtiments modernes, ininflammables, résistant aux intempéries, à air conditionné, s’élèvent ; la vieille construction gothique cède la place à une multitude de styles et de formes modernes : genre théâtre, ferme d’élevage, forme rectangulaire, octogonale (à huit côtés) ; tout ce que l’architecte et technicien ultra-moderne peut rêver semble approuvé. Ceux qui vont à l’église baptiste Saint-Paul à Los Angeles ont leurs finances à l’abri grâce à un système compliqué et inviolable d’“ yeux électriques, de sirènes d’appel, de chambres scellées et de voûtes souterraines ”. Les jeunes gens ont “ une salle ” spéciale “ pour les jeunes, équipée avec la radio et la télévision, deux scènes pour les spectacles animés, et un vaste plancher pour les tables de ping-pong et les autres jeux ”. Et si la nourriture spirituelle n’est pas suffisante pour vous attirer à l’église, il se peut que vous soyez séduit par le bœuf rôti qui sort d’une cuisine ultra-moderne.
Mais en parlant de nourriture spirituelle, qu’a-t-il été fait au sujet de ces sermons “ intellectuels ”, “ abstraits ”, “ ennuyeux ”, sans “ aucun rapport avec la communauté ” ? Le cadre moderne vous fera peu de bien si, en vous attirant à l’église, vous vous y endormez pendant le sermon.
De nombreux ministres ont essayé de résoudre le problème en abrégeant leurs sermons. Cependant, le sermon est encore là, avec ses matières habituelles, bonnes ou mauvaises ; aussi, maintenant, certains égaient leur discours grâce à des moyens empruntés à la scène et à la radio modernes. La cathédrale St-Jean-le Divin de New-York a présenté dernièrement des sermons sous forme de dialogues, deux ecclésiastiques discutant des questions religieuses. Le “ Révérend ” Owen Hoffman de Washington, Georgia, a employé des “ pierres qui prêchent ” (des pierres qui brillent sous la “ lumière noire ”) pour illustrer ses sermons. Une classe de l’école du dimanche à Seattle a enchanté les enfants grâce à un maître de chant robot appelé “ Sam ”, dont les oreilles, constituées par des ampoules lumineuses, s’éclairent et dont la grande langue rouge s’agite d’avant en arrière quand ils chantent assez fort. Certes, Sam raconte aussi de courtes histoires bibliques, grâce à un appareil enregistreur, dissimulé. Si tout cela ne réussit pas à éveiller votre intérêt, vous préférerez probablement entendre prêcher Joe le Baptiste. Joe est une poupée, littéralement, qui voyage avec son maître, le prédicateur ventriloque Loyd Corder, du Home Mission Board (Mission intérieure) des Baptistes du Sud. Oui, la chaire a subi des changements radicaux, de sorte que, maintenant, selon le Christian Herald, “ parler est une petite partie de l’enseignement. Aujourd’hui, on montrera peut-être un film sur les voyages de Paul, en couleurs et sonore, ou bien un dessinateur humoriste nous parlera, moyennant des dessins crayonnés, de Noé et de l’arche, ou encore la classe (de l’école du dimanche) s’unira pour construire des maisons palestiniennes modèles ”.
LA RELIGION RADIODIFFUSE
L’un des facteurs qui limitent l’assistance à l’église a été l’invention de moyens qui ont apporté le divertissement au sein du foyer. Cela est particulièrement vrai de la dernière des inventions, la télévision. Sur 190 ministres interrogés dans la région de Louisville, Kentucky, vers la fin de 1952, “ la majorité reconnaissait que la télévision faisait une concurrence sérieuse à l’église : dans 50 paroisses, l’assistance aux services du soir avait diminué de 10 pour cent ”. Aussi, pour ne pas être vaincue dans ce siècle du progrès, la religion se met à “ radiodiffuser ”.
Saisissant la première occasion, ils lancèrent l’attaque en 1949, d’un bout à l’autre du réseau de télévision de Du Mont, avec le programme “ Morning Chapel ”, dans lequel figuraient des chefs de la foi protestante, catholique et juive. En novembre 1953, l’intérêt pour la télévision religieuse était si grand que l’adaptation à la scène de “ C’est ici la vie ”, de l’Église luthérienne, pouvait prétendre être “ de loin le programme du monde le plus largement télévisé ”, diffusé par environ 125 stations de télévision américaines, montré dans tout le Canada et présenté régulièrement par la British Broadcasting Corporation. Plus tard, le 31 janvier 1954, la pièce “ La vie vaut d’être vécue ”, de l’évêque catholique Fulton J. Sheen, éclipsant le programme luthérien, fut retransmise par plus de 169 stations et obtint la première place sur les ondes. Le Catholic Herald du 8 janvier affirma que l’évêque avait plus de 15 millions d’auditeurs. Aujourd’hui, la religion ne se tient pas sur la défensive à l’égard de la télévision profane, c’est plutôt le contraire qui est vrai. Milton Berle, Sid Caesar, Hopalong Cassidy et compagnie ont gagné un concurrent des moins ordinaires, l’église.
ÉVALUATION
Et qu’avons-nous à dire des nouveaux et brillants équipements de la religion ? Ils sont plaisants et attrayants, certes, mais ont-ils accompli les tâches auxquelles ils étaient destinés ?
En ce qui concerne les changements matériels opérés dans la construction des églises elles-mêmes, nous dirons que l’un des plus lourds fardeaux imposés à nos contemporains, après le coût élevé de la vie, a été le coût élevé du culte. Comme le déclarait récemment le Dr William S. Lea des Épiscopaliens : “ Nous avons dépensé et peut-être gaspillé des millions de dollars à imiter avec soin l’architecture gothique qui était en vogue à un moment où le culte chrétien était à son déclin. ” Ainsi, dans la mesure où la construction moderne simplifiée allège ces charges, elle rend un service digne de louange. Cependant la question reste de savoir si, grâce à ces progrès techniques modernes, la religion est sortie de ce “ déclin ” de la période gothique. Est-il vrai que “ les habits font de l’homme ” et que les “ édifices font de la religion ” ce qu’ils sont ? Exprimant quelque doute, George M. Docherty, presbytérien, New-York, compara récemment les méthodes religieuses modernes aux méthodes de chaîne de production de feu Henry Ford et commenta : “ Vous savez, Henry Ford était un homme bien plus sage que l’église. Il savait qu’au bout de la chaîne de montage sortait une auto Ford, mais le bon Dieu seul sait ce qui se dégage de la “ chaîne de montage ecclésiastique ” de l’église d’aujourd’hui ! ”
Trop souvent le produit de la “ chaîne de montage ” religieuse moderne est un chrétien fabriqué d’un seul coup, façonné selon les étalons de mesure de la société moderne, ayant davantage conscience de sa classe que de l’évangile. L’ecclésiastique new-yorkais Ralph W. Sockman a déclaré : “ Bien des orateurs de la chaire essaient de rendre la religion populaire en la présentant comme le meilleur moyen de préserver notre système économique. La prière est préconisée parce qu’elle nous garantit le succès financier et l’acceptabilité sociale. ” En vendant aux gens ces produits emballés à l’avance, une bonne partie de la publicité ecclésiastique de notre époque révèle à peu près autant de spiritualité qu’un programme commercial radiodiffusé pour offrir un reconstituant pour les cheveux. Depuis quand l’homme pratiquant la véritable adoration de Dieu a-t-il été populaire dans ce monde ? — Jacq. 4:4.
Et que dire des efforts pour “ rendre l’instruction religieuse plus humaine ”, en y ajoutant des démonstrations de ventriloquie, de magie, de “ maîtres de chant ” avec des oreilles qui s’allument ? Le Dr M. A. Darroch déclara, à une conférence récente de l’Institut biblique Moody : “ Parlez de Néron jouant tandis que Rome brûlait, l’église joue... tandis que le monde périt. ” Oui, une somme d’informations sérieuses, urgentes, doivent être transmises aux oreilles attentives avant que ce monde supersonique ne tombe dans le fossé de la destruction. Et les religions qui sont trop occupées à attacher leur char à l’étoile brillante de ce monde apprendront trop tard qu’elles se rattachent à un météore condamné. — Mat. 15:14.
En vérité, les ecclésiastiques affirment qu’ils désirent voir ces informations urgentes prêchées. C’est pourquoi ils prétendent trouver un tel avantage dans la radio et la télévision. De vastes auditoires, en tous lieux, peuvent profiter, disent-ils, non seulement du pasteur de leur localité mais de personnalités telles que Ralph W. Sockman et Fulton J. Sheen. Cependant, cette façon de faire ne peut échapper à la contamination du mercantilisme. Le 21 octobre 1952, “ La vie vaut d’être vécue ” de l’évêque Sheen commença à toucher rien moins qu’un million de dollars par an de l’Admiral Corporation. Le prix du parrainage ? Du point de vue strictement monétaire, la “ Vie ” de l’évêque vaut d’être télévisée, vraiment ! Du point de vue divin, cependant, vaut-elle le prix d’une dépréciation de la religion due au fait qu’on s’en sert pour favoriser l’écoulement d’“ un produit difficile à vendre ” ? Un rédacteur de journal en convint parfaitement quand il déclara : “ La cause d’une compréhension spirituelle toujours plus grande ne sera pas servie de la façon la plus noble s’il est nécessaire que les églises adoptent les techniques employées sur la place du marché afin de se faire entendre. ” Certes, Jésus et ses disciples prêchaient sur les places de marché, mais jamais ils ne firent de leur message un article qu’on pût acheter et vendre comme les produits du marché.
Ne vous méprenez pas sur ce que nous disons. Nous ne nous opposons en aucune façon à l’emploi de toutes les facilités modernes pour la prédication du message du royaume de Dieu. En réalité, les témoins de Jéhovah sont à l’avant-garde quand il s’agit d’utiliser les presses d’imprimerie, les appareils électroniques, la radio et, selon l’occasion, la télévision. Néanmoins, vous ne verrez pas qu’ils recommandent, dans leurs présentations, une pâte dentifrice, des services de table ou des postes de télévision. Jésus n’a-t-il pas dit : “ Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ” ? (Mat. 10:8.) Par conséquent, ce principe devrait nous guider dans l’emploi que nous faisons des inventions modernes.
Mais le fait que la religion s’est jetée dans le modernisme a eu ses plus tragiques conséquences en ce qui concerne le contenu de son message plutôt que par rapport aux méthodes employées pour le délivrer. On considère apparemment non seulement la structure matérielle de l’église mais encore son message comme pouvant subir des modifications afin de l’adapter au monde moderne. Ainsi, nous avons lu dernièrement dans des articles publiés largement comment, “ aujourd’hui, les églises américaines en sont venues finalement à un compromis avec un vieux sujet de cauchemar, la théorie de l’évolution de Darwin ”. On rapporta que le clergé protestant, catholique et juif ne voyait “ aucun désaccord entre l’évolution et la création divine ”. De plus en plus, les hommes de la religion affirment que c’est la Parole de Dieu qui est absurde. L’épiscopalien William Wright demande au sujet du récit biblique : “ Qui est assez fou pour croire à ces histoires ? ”
Nous répondons : les véritables chrétiens, les vrais adorateurs de Jéhovah, le Dieu Très-Haut, qui inspira ce récit biblique. Oui, ils utiliseront les inventions de ce monde moderne pour faciliter leur œuvre de prédication, mais ils ne copieront pas son esprit, ses mobiles, son égoïsme et sa cupidité, son mépris de la Parole de Dieu et la déification de sa propre sagesse. Ils se serviront de ses biens, mais non de ses dieux, parce que ces faux dieux ne sauveront pas ce monde ni ceux qui en dépendent lorsque Jéhovah conduira ce monde moderne, agité, à une destruction rapide.