Chapitre 35
La nuée de témoins des temps modernes avance en maintenant la fidélité de sa conduite
THOMAS: En parlant des difficultés que les communistes ont créées aux témoins de Jéhovah en Pologne, Jean, vous me faites penser que vous n’avez rien dit sur la guerre de Corée. Quel était le sort des témoins de Jéhovah en Corée à cette époque? Je me souviens de vous avoir entendu dire qu’ils avaient un dépôt de publications dans ce pays avant la Seconde Guerre mondiale.
JEAN: C’est exact. Ce dépôt a été installé par quelques frères en 1931. Cependant, de 1939 à 1945, vous vous en souvenez, l’œuvre a été frappée d’interdiction absolue. Mais en 1945, l’heure de la libération a sonné. Le frère responsable de l’œuvre en Corée était mort. Seulement la moitié environ des frères qui avaient été emprisonnés ont pu reprendre le service une fois remis en liberté. Les autres étaient morts ou avaient perdu la santé.
Pendant huit ans, les frères de Corée avaient été privés de tout contact avec l’organisation; mais malgré tout, certains d’entre eux savaient qu’il y avait beaucoup de personnes bien disposées à qui il fallait prêcher. C’est pourquoi ils ont rassemblé les publications qu’ils possédaient et les ont toutes distribuées très rapidement. Alors, en 1948, la Société a pris des dispositions pour envoyer en Corée des missionnaires qualifiés, diplômés de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Les deux premiers y sont arrivés le 9 août 1949. Sans tarder, ils ont organisé les frères pour le service du champ, si bien que huit d’entre eux y ont pris part dès le premier mois de l’arrivée des missionnaires.
Durant la guerre de Corée, les missionnaires ont été évacués au Japon, tandis que les frères coréens sont restés prisonniers dans la ville de Séoul quand celle-ci a été prise par les communistes. Cependant, ils ont été libérés trois mois plus tard. Ensuite, avant que Séoul ne soit prise une seconde fois par les communistes, la population a eu l’occasion de s’enfuir. Les frères se sont alors dispersés dans les villes du sud de la Corée pour y trouver refuge. Bientôt de nouvelles congrégations étaient à l’œuvre dans les villes de Taegu, Fusan, Taejon, Kunsan et Chonju. En novembre 1951, un des missionnaires américains a pu retourner en Corée; les frères ont été rapidement réorganisés, de sorte que 407 proclamateurs ont remis un rapport en août 1953. Le 1er septembre 1953, une filiale a été ouverte à Séoul. Dès lors, l’accroissement a été si rapide qu’en 1959, soit dix ans après l’arrivée des premiers missionnaires, le nombre des proclamateurs participant au ministère était passé de huit à 3 456, et cela malgré la guerre qui avait fait rage entre-tempsa.
L’expansion que l’Europe a connue après la Seconde Guerre mondiale ne s’est pas réalisée sans de grandes difficultés. Ce fut le cas surtout dans les pays où l’influence communiste s’est fait fortement sentir. Quand la Russie s’est mise à baisser le rideau de fer en Europe après 1948, des milliers de témoins se sont trouvés en butte à une persécution sous bien des rapports encore pire que celle qu’ils avaient endurée sous le régime nazi. Trois ou quatre ans seulement après leur libération des camps de concentration, c’est par milliers qu’ils se sont retrouvés déportés dans des institutions diaboliques du même genre, qu’ils ont été condamnés aux travaux forcés dans les mines russes, ou, pis encore, qu’ils ont été exilés en Sibérie. Rien qu’en Allemagne de l’Est, 1 016 témoins, hommes et femmes, ont été condamnés en tout à 6 865 ans de prison; en 1953, quatorze témoins avaient été mis à mortb. En 1958, il y en avait encore 440 en prisonc.
On peut citer comme autre exemple l’histoire tragique des témoins en Pologne. En 1939, avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ils étaient 1 039 ministres à résister vaillamment aux cruelles persécutions infligées avec fanatisme par la Hiérarchie catholique romaine, qui avait réduit les témoins à la clandestinité depuis des annéesd. La délivrance de la tyrannie des nazis en 1945 a été douce, mais s’est révélée éphémère. Dès que la liberté a laissé la porte ouverte à l’activité, on a rapidement réorganisé le culte théocratique dans le pays, de sorte qu’en 1946 on atteignait un nouveau maximum de 6 994 ministrese. En 1947, des missionnaires formés à l’École de Galaad sont venus les aider à s’organiser encore davantage en vue de l’expansionf, si bien qu’en 1948 on a compté un maximum de 10 385 ministres actifs dans la prédicationg, et qu’en 1950 leur nombre s’est encore accru pour arriver au total surprenant de 18 116h.
Brusquement, en 1950, la Pologne s’est trouvée enfermée derrière le rideau de fer. Cette même année, les témoins de Jéhovah ont été frappés d’interdiction et les bureaux de la filiale fermés le 21 juin, tandis que les frères à la tête de l’œuvre ont été arrêtés et condamnés à de longues peines d’emprisonnement. La majorité des serviteurs des congrégations, ainsi que d’autres frères et sœurs, ont été arrêtés d’un bout à l’autre du pays, à l’exception seulement des femmes âgées et des mères ayant des enfants de moins de huit mois. Bon nombre d’entre les frères arrêtés ont été déportés aussitôt après dans des camps de travail, où ils ont continué à prêcher. Les missionnaires de l’École de Galaad ont été expulsés du pays; ainsi, une nouvelle fois, les témoins polonais sont entrés dans la clandestinité et ont repris leurs activités dans les “catacombes”, pour continuer à faire resplendir le flambeau du culte chrétien à l’intention des nombreuses “autres brebis” cherchant encore à trouver refuge au sein de la société du monde nouveau de Jéhovahi.
En Tchécoslovaquie également, les témoins se sont montrés de véritables champions de la liberté chrétienne. Avant qu’Hitler ne les ait privés de cette liberté, en 1938, ils étaient 1 166 ministres actifsj. Pendant la domination inflexible d’Hitler, ces fidèles serviteurs de Jéhovah Dieu ont eu de la peine à rester en contact entre eux à cause de leur activité clandestine. En 1945, avec la chute d’Hitler, l’œuvre a été promptement raniméek, si bien qu’en 1946 on a compté 1 209 témoins actifsl. Quand la Tchécoslovaquie a disparu à son tour derrière le rideau de fer, en 1948, les témoins ont été frappés d’interdiction également dans ce pays-là; à la fin de novembre, les bureaux de la filiale ont été fermés et de nombreux frères arrêtésa. Cette mesure n’a pas mis fin pour autant à l’œuvre de rassemblement, car en 1950, il y a eu 2 882 prédicateurs actifs du Royaume de Jéhovahb, et, en 1951, leur nombre est passé à 3 705c.
Si le temps le permettait, nous pourrions relater des faits analogues concernant les témoins en Yougoslavied, en Bulgarie, en Hongriee et en Roumanief communistes. Même en Union soviétique, en 1948, plus de 8 000 ministres du Royaume de Jéhovah ont pris part activement à l’œuvre de prédication biblique, usant de méthodes souvent très ingénieusesg. Nous savons que des milliers d’entre eux ont été exilés en Sibérie. Pendant l’année 1954, 64 123 témoins étaient toujours actifs dans l’ensemble des pays situés derrière le rideau de ferh, alors qu’en 1959 leur nombre s’est élevé à plus de 123 000i. Désormais, la Société ne publie plus les chiffres individuels de chacun des pays derrière le rideau de fer, pour empêcher leurs gouvernements respectifs de savoir combien de vrais chrétiens résident dans leur territoire.
UNE PÉTITION EST ADRESSÉE AUX DIRIGEANTS COMMUNISTES DE L’UNION SOVIÉTIQUE
En 1956, au cours de leurs assemblées de district organisées sur la terre entière, les témoins de Jéhovah ont attiré énergiquement l’attention du monde sur les mauvais traitements que leurs coreligionnaires subissent en Union soviétique. Réveillez-vous! relate les faits en ces termes:
Les assemblées de district des témoins de Jéhovah en 1956 furent uniques dans ce sens qu’à chacune d’elles, pendant la session du samedi soir, fut présentée une pétition adressée à M. Nikolaï A. Boulganine, premier ministre de l’URSS, concernant les traitements subis par les témoins derrière le rideau de fer, notamment en Russie et en Sibérie. (...)
En premier lieu, elle décrit les persécutions de témoins de Jéhovah en Russie d’Europe et en Sibérie révélées par des rapports récentsj.
MARIE [Elle l’interrompt]: Excuse-moi, Jean. Ne penses-tu pas qu’il serait intéressant de citer à ce propos les chiffres mentionnés dans le texte de la pétition et dans celui de la résolution?
JEAN: Oui, bien sûr. Voudrais-tu nous lire ce paragraphe, s’il te plaît?
MARIE [Elle lit]:
Au cours des deux dernières années, la nouvelle nous est parvenue de Russie, soit par les dépêches de grands quotidiens, soit par des rapatriés, que 1° il y a ou il y avait environ 2 000 témoins de Jéhovah dans le camp de travail de Vorkouta; 2° au début d’avril de l’année 1951, environ 7 000 témoins furent pris dans une vague d’arrestations, qui sévit des [pays baltes] jusqu’en Bessarabie, et transportés en trains de marchandises vers cette région lointaine située entre Tomsk et Irkoutsk et aux environs du lac Baïkal en Sibérie; 3° il y a des témoins de Jéhovah détenus dans plus de cinquante camps situés en Russie [d’Europe], en Sibérie et plus au nord vers l’océan Arctique, et même dans l’île arctique de [la Nouvelle-Zemble]; et 4° un certain nombre de ces détenus, notamment parmi les 7 000 mentionnés plus haut, sont morts de sous-alimentation au cours des deux premières années de leur séjour en Sibériek.
JEAN: Merci, Marie. Reprenons maintenant la suite du rapport paru dans Réveillez-vous!:
[La pétition] demande qu’une impartiale enquête gouvernementale ait lieu et qu’on libère les témoins, les autorisant à s’organiser comme dans les autres pays. Elle demande en outre que l’on permette aux témoins en Russie d’établir des rapports réguliers avec leur conseil d’administration aux États-Unis, et d’imprimer et d’importer toutes les publications bibliques qui leur sont nécessaires pour l’accomplissement de leur ministèrel.
Puis, dans un “Énoncé des faits”, la pétition décrivait l’œuvre des témoins de Jéhovah et les raisons bibliques de cette œuvre, leur déniait tout intérêt ou toute attache politique, et mettait l’accent sur le fait que ces chrétiens sont reconnus dans le monde entier pour leur stricte adhésion aux enseignements de la Bible; enfin, elle demandait si le gouvernement soviétique désirait prendre sa part de responsabilité dans l’accomplissement de la prophétie de Jésus suivant laquelle ses disciples seraient haïs et persécutés par toutes les nations à cause de son nom. Matthieu 10:16 et 24:9 étaient cités à l’appui. Le rapport publié par Réveillez-vous! dit encore:
Pour conclure, la pétition propose une discussion entre les représentants du conseil d’administration des témoins de Jéhovah et ceux du gouvernement soviétique. Elle suggère qu’une délégation de témoins de Jéhovah soit autorisée à se rendre à Moscou dans ce but et pour visiter les divers camps où des témoins sont incarcérés. Elle ajoute:
“En attendant, nous ne pouvons rien faire d’autre que d’informer le monde de la situation des témoins de Jéhovah dans les prisons, les camps de travail et les centres de déportation de Russie, car nous le leur devons comme à des amis et à des frères dans la foi. Mais notre désir serait de pouvoir dire au monde que vous, le Gouvernement de Russie, avez donné l’ordre de libérer les témoins de Jéhovah.”
À chaque assemblée, la résolution proposant l’envoi de cette pétition fut accueillie avec enthousiasme et adoptée à l’unanimité. Entre juin 1956 et février 1957, elle fut adoptée par 199 assemblées réunissant un total de 462 936 congressistes. Quatre administrateurs de chaque congrès signèrent les trois exemplaires de la pétition au nom des assistants. Un exemplaire fut envoyé au premier ministre Boulganine, le deuxième à l’ambassade locale de l’Union soviétique et le troisième aux bureaux principaux de la Société. Des copies furent remises à la presse et beaucoup de journaux imprimèrent un compte rendu de la pétitiona.
Rien qu’aux États-Unis, environ 1 500 journaux ont donné un compte rendu de la pétition. Puis, le 1er mars 1957, les sept directeurs de la Société Watch Tower ont signé en commun une pétition et l’ont envoyée au gouvernement soviétique. Les communistes n’y ont jamais répondu et n’en ont même pas accusé réception.
LES TÉMOINS D’UNION SOVIÉTIQUE TROUVENT LA FOI ET LA GARDENT
Toutefois, nous savons que le gouvernement soviétique n’ignore aucunement l’activité de prédication déployée avec énergie par nos frères derrière le rideau de fer. Écoutez, par exemple, ce que déclare un éditorial paru dans le Post de Washington sous le titre significatif “Une nuée de témoins”.
LOÏS: Mais n’est-ce pas l’expression que l’apôtre Paul emploie pour désigner les tout premiers témoins de Jéhovah mentionnés dans la Bible? Je me rappelle que vous m’avez fait lire ce texte le premier soir que vous êtes venus chez nous.
JEAN: Je suis bien content de voir que vous vous en souvenez. On trouve cette expression dans Hébreux 12:1. Mais écoutez à présent ce que rapporte cet éditorial:
Il est intéressant d’apprendre, par la voie d’une longue diatribe parue dans la Pravda, que la secte des témoins de Jéhovah donne aux chefs de la Russie communiste presque le même mal de tête qu’à ceux de l’Allemagne nazie. Il apparaît que les témoins ont fait des convertis dans toute l’Union soviétique, même dans des endroits aussi reculés que la Sibérie et [la ville de] Kourgan, et qu’à l’heure actuelle leur œuvre constitue un mouvement redoutable de résistance clandestine au régime.
Les rédacteurs de la Pravda affectent de croire que l’ensemble du mouvement est subventionné par “les éléments les plus réactionnaires du capitalisme américain” et que son dessein est d’infecter les masses soviétiques d’un esprit de docilité et de résignation qui neutralisera ou retardera le triomphe mondial du prolétariat révolutionnaire. Les organisateurs du mouvement sont décrits comme d’“anciens criminels de guerre, des collaborateurs fascistes et des informateurs de la Gestapo” endoctrinés et formés pour leur rôle dans les camps de concentration allemands.
Cette affirmation selon laquelle ils ont été endoctrinés dans les camps de concentration n’est peut-être pas dénuée de fondement.
LOÏS [Elle l’interrompt]: Eh bien, nous, nous sommes persuadés que c’est vrai, n’est-ce pas? Car vous nous avez lu de nombreux comptes rendus montrant comment les prisonniers russes ont appris la vérité de la bouche des témoins allemands, dans les camps de concentration.
JEAN: C’est juste. Et cet article nous en donne une confirmation fondée sur des faits. Il constitue un témoignage véritable de l’intégrité et du zèle manifestés par ces chrétiens qui, après leur retour en Union Soviétique et bien qu’encore jeunes spirituellement, ont persévéré dans la foi qu’ils venaient de trouver.
THOMAS: Je voudrais ajouter que c’est une preuve de l’authenticité et de la pureté de leur foi. D’ailleurs, celle-ci n’avait rien de commun avec cette espèce de “foi des tranchées”, comme on l’appelle, que tant de soldats américains ont acquise pendant la guerre.
JEAN: L’article poursuit en ces termes:
Presque tous les survivants de ces camps rendent hommage au courage et à l’inflexibilité des témoins détenus, ainsi qu’à leur résistance inébranlable à l’intimidation et même aux tortures. Il n’y aurait donc rien d’étonnant que de nombreux prisonniers russes — qui avaient presque autant de raisons que les témoins allemands d’identifier le régime avec le règne de l’antichrist et pas moins de raisons qu’eux d’envisager l’Histoire d’un point de vue apocalyptique — aient été fortement impressionnés par cet exemple.
En tout cas, la doctrine millénariste des témoins — qui croient que la seconde venue de Jésus-Christ est depuis longtemps un fait historique, que son règne invisible sera bientôt transformé pour devenir son Royaume visible sur la terre, et que toutes les formes d’État existantes sont donc sataniques et condamnées à disparaître au cours de la proche Bataille d’Harmaguédon — a offert un immense attrait à des hommes vivant sous les formes de gouvernement les plus totalitaires et les plus tyranniques. On peut donc facilement accepter les estimations des témoins eux-mêmes suivant lesquelles le nombre de leurs convertis au-delà du rideau de fer dépasse les 100 000. On peut ajouter foi également à la plainte formulée par la Pravda selon laquelle, dans les fermes collectives et les usines de l’Union soviétique, les témoins résistent aux influences coercitives du communisme et de sa propagande avec autant d’obstination que leurs frères des États-Unis lorsqu’ils refusent de faire le service militaire et de saluer le drapeaub.
Un journal de Wilmington, dans le Delaware, a consacré un éditorial à cet article de la Pravda et a donné le sage commentaire que voici:
Les “superpatriotes” de ce pays, qui considèrent les témoins de Jéhovah comme subversifs, ont d’étranges sympathisants. Les Russes partagent leur opinion! À l’encontre de nos “superpatriotes” cependant, les Russes ne pensent pas que les témoins soient sous l’influence des communistes.
Cet éditorial reprenait ensuite l’“accusation” portée par la Pravda suivant laquelle “les témoins ont été formés dans les camps de concentration allemands pour tenter criminellement de ruiner l’esprit militant manifesté par le prolétariat”. Après avoir avancé son opinion concernant les raisons pour lesquelles notre message trouve des adeptes en Union soviétique, l’article concluait en ces termes:
En Russie, pareille doctrine n’est nullement un opium pour le peuple. Elle constitue pour le moins une invitation à la désobéissance civile, et elle pourrait avoir sur les opprimés des effets bien plus explosifs que ses propagateurs ne le pensent. La Pravda, qui voit des capitalistes à tous les coins de rue, ne pouvait manquer de considérer ce mouvement comme une sinistre création de Wall Street. Toutefois, même si l’épouvantail de Wall Street est absurde, la Pravda n’a peut-être pas entièrement tort en voyant dans cette religion particulariste un danger possible pour l’État soviétique immortelc.
ILS GARDENT LA FOI SOUS LES DICTATURES NON COMMUNISTES
LOÏS: À présent, je comprends pourquoi les témoins de Jéhovah ont continué à augmenter en nombre sans que rien ne les arrête. Et j’arrive à m’imaginer que des hommes tels qu’Hitler en avaient réellement peur, bien qu’ils aient su que les témoins ne leur feraient aucun mal à eux personnellement. Du reste, ne nous avez-vous pas cité des exemples au sujet des camps de concentration?
JEAN: Oui. Mais des conditions semblables ont existé dans de nombreux pays, même dans ceux qui ne sont pas communistes. Ainsi, bien que la Grèce n’ait pas été dirigée par un gouvernement communiste, les frères y ont connu une intense persécution. Le clergé a accusé les témoins de Jéhovah d’être des communistes, des anarchistes, de mauvais patriotes, des traîtres refusant de prendre les armes pour défendre leur pays. Il a pressé ses ouailles non seulement d’éviter les témoins, mais de les chasser comme la peste quand ils viendraient les visiter avec le message du Royaume.
Sous l’autorité dictatoriale actuelle, il nous est défendu de nous assembler dans des salles publiques sans l’autorisation du ministère des cultes, lequel n’a jamais été disposé à nous accorder cette permission. C’est pourquoi nos [réunions] ont lieu chez l’un ou l’autre des proclamateurs. Il arrive fréquemment que des agents de police fassent irruption, sur un ordre, dans ces locaux particuliers d’où ils arrachent nos frères et nos sœurs pour les emmener au poste. Ces derniers doivent comparaître en justice où on les accuse de prosélytisme. Souvent aussi les témoins sont arrêtés en pleine rue pour avoir eu La Tour de Garde dans leurs [poches] ou seulement pour avoir prononcé le nom de Jéhovah.
Les pires des voies de fait que nous ayons enregistrées sont celles dont deux de nos frères ont été victimes: ils furent battus à mort pour s’être refusés à faire le signe de croix et à baiser des icônesd.
Pourtant, dans ce pays-là, plusieurs fonctionnaires savaient qui étaient les véritables fauteurs de troubles. Le récit suivant du serviteur de la filiale grecque va l’illustrer:
Dans une île du sud de la Grèce, les frères ont subi de cruelles persécutions de la part de certains membres du clergé. Ils ont été souvent traduits devant les tribunaux, tantôt pour avoir étudié La Tour de Garde, tantôt pour avoir parlé à quelqu’un de la vérité, et tantôt pour avoir offert à quelqu’un un périodique. Toutefois, dans la plupart des cas, les tribunaux locaux ont acquitté les frères parce que ces accusations étaient toutes sans fondement. En une certaine occasion, quand un officier de la police visita la contrée, le prêtre se précipita vers lui et commença à se plaindre de l’accroissement numérique des témoins de Jéhovah. L’officier de police lui dit: “C’est vous, les prêtres, qui en êtes responsables. Vous feriez mieux d’aller à leur recherche avec l’évangile. Je vous ai déjà conseillé de ne pas les amener devant les tribunaux, et de ne pas provoquer de tapage à tout bout de champ. Ceux que vous avez fait comparaître en justice l’autre jour ont été acquittés, et ensuite ils sont allés au café central du village pour y lire La Tour de Garde. Je vous répète que vous êtes les seuls responsables. Ce sont les persécutions que vous leur infligez qui sont la cause de leur accroissement. Il n’y avait aucun témoin de Jéhovah dans le village autrefois, mais maintenant il y en a. En agissant comme vous le faites, vous allez inciter les juges eux-mêmes à devenir témoins de Jéhovahe.”
Donc, l’œuvre ne s’est pas arrêtée en Grèce. La République dominicaine constitue un autre exemple de persécutions en pays non communiste. Cette “république” insulaire située au sud-est immédiat des États-Unis a frappé d’interdiction les témoins de Jéhovah le 21 juin 1950f. Puis, le 17 août 1956, pour des raisons connues de lui seul, le gouvernement dominicain a levé l’interdiction. Pourtant, pendant que celle-ci avait été maintenue, le nombre de ministres actifs du Royaume est passé de 217 à 469g. Mais à peine un an plus tard, la police a commencé à s’attaquer avec violence à certains frères, notamment aux serviteurs de congrégation; le 24 juillet 1957, l’œuvre était de nouveau frappée d’interdiction. Le 3 août 1957, dix missionnaires américains ont été expulsés; plusieurs d’entre eux habitaient pourtant le pays depuis 1945.
Cette mesure hostile du gouvernement dominicain a incité les 33 091 délégués réunis en assemblée de district à Baltimore, dans le Maryland, à adopter une pétition le 24 août 1957. Celle-ci développait un énoncé des faits montrant ce qui était arrivé aux témoins de Jéhovah dominicains, et elle invitait le généralissime Rafael Leónidas Trujillo, dictateur de la République, à réhabiliter son gouvernement en levant l’interdiction qui frappait les témoins de Jéhovahh.
Par la suite, cette pétition a été adoptée par de nombreuses autres assemblées et congrégations des témoins de Jéhovah réunies autour du monde. Tant la pétition que l’expulsion des missionnaires ont reçu une large publicité dans la presse mondiale.
LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT DE LA “SAGESSE VIVIFIANTE” TENUES EN 1957
THOMAS: Parlez-nous un peu de cette assemblée de Baltimore qui a adopté la pétition.
JEAN: C’était l’une des assemblées de district tenues en 1957 tout autour du monde et ayant pour thème “La sagesse vivifiante”. En voici une brève description tirée de l’Annuaire (angl.):
Une série de discours spéciaux fut consacrée aux livres poétiques de la Bible: Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des cantiques. À mesure que les discours se succédaient, l’intérêt et la curiosité devenaient plus vifs, jusqu’au moment où fut annoncée la parution du volume III des Écritures hébraïques — Traduction du monde nouveau (angl.), à la joie de tous les assistants.
Un symposium consacré aux trois premiers chapitres de la Révélation 1-3 fit ressortir avec netteté la responsabilité que Jéhovah a placée sur ceux qui servent leurs frères en tant que surveillants de congrégation ou “étoiles”. Le festin spirituel atteignit son apogée quand fut prononcée la conférence publique, fort opportune, intitulée “La guérison des nations est proche”, dont le texte fut également présenté sous forme de brochure.
Pour beaucoup de frères, ces assemblées marqueront peut-être le point de départ d’une nouvelle vie de louanges, car ils y furent invités à “servir là où le besoin est grand”. Nous espérons que de nombreux frères auront la possibilité d’aller s’installer dans d’autres pays où l’on a un grand besoin de frères mûrs, d’y trouver du travail et de contribuer à l’expansion de l’œuvre du Royaume. Les assemblées tenues aux États-Unis se sont terminées par celle de Baltimore, où 33 091 congressistes ont appuyé une protestation énergique à l’adresse du gouvernement de la République dominicaine, lequel a interdit notre œuvre et brutalise de nombreux frères. Selon un premier bilan, quarante assemblées ont été tenues dans quatorze pays, plus de 375 000 frères y ont assisté, et 8 070 personnes se sont fait baptiser pour symboliser l’offrande de leur personne à Jéhovahi.
L’EXPANSION DES INSTRUMENTS DE L’ŒUVRE DU ROYAUME SE POURSUIT
En 1956, on a achevé la construction d’une nouvelle imprimerie de douze étages servant à imprimer La Tour de Garde et Réveillez-vous! Tous les témoins de Jéhovah ont certainement eu de la joie en voyant que la diffusion accrue des périodiques a rendu nécessaire une telle construction — signe évident de la bénédiction de Jéhovah. La description et une photo de ce nouveau bâtiment ont été publiées dans le numéro du 22 décembre 1956 de Réveillez-vous! Le récit dit notamment:
Le 9 juin 1955, on commença les fondations de ce solide bâtiment d’acier et de béton, d’une nécessité si urgente, destiné à loger les énormes rotatives qui impriment le merveilleux message du royaume de Dieu.
(...) L’aire de l’édifice mesure 17 840 mètres carrés, ce qui représente une expansion de plus de cent pour cent, car l’aire des deux anciens bâtiments réunis mesure 15 050 mètres carrés.
L’augmentation phénoménale du tirage de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! rend également nécessaire l’achat et l’installation de nouvelles pressesj.
À la fin de l’année de service 1958, la Société a pris livraison de deux nouvelles presses. Ainsi, le total des grandes rotatives a été porté à treize, pour permettre à la Société de faire face à la demande toujours croissante d’écrits bibliquesk.
Mais ce n’est pas là toute l’expansion qui avait lieu. Un nouveau bâtiment qui abrite les bureaux de la filiale desservant les frères du Canada a été achevé presque en même temps que l’imprimerie de Brooklyn. Il a été inauguré le 25 mai 1956l. Dans l’imprimerie qui lui est rattachée, la Société imprime maintenant tous les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous! en langue anglaise destinés à être distribués au Canada. En même temps, un nouveau bâtiment devant abriter la filiale et une imprimerie était en construction à Londres, en Grande-Bretagnea. En 1959, cette imprimerie était déjà en pleine activité; elle fournit à présent les périodiques de la Société en langue anglaise à presque toutes les nations du Commonwealth britannique. Le 31 août 1957, c’est à Copenhague, au Danemark, qu’a eu lieu l’inauguration des nouveaux locaux de la filiale et l’imprimerieb.
Mais il faut encore mentionner une autre réalisation: un nouveau film d’une heure, intitulé “Le bonheur de la société du Monde Nouveau”. Celui-ci montre plusieurs scènes marquantes des assemblées du “Royaume triomphant”, tenues en 1955; on l’a projeté aux assemblées de circonscription dans le monde entier à partir du 15 juin 1956c.
Autre signe d’expansion, le poste émetteur WBBR qui appartenait à la Société a été vendu le 15 avril 1957. Cette station avait fait son temps et bien servi les intérêts du Royaume de Dieu, mais on n’en avait plus besoin. En 1924, quand la station a commencé à émettre, il n’y avait qu’une congrégation d’environ deux cents proclamateurs pour desservir les cinq quartiers de la ville de New York, tout Long Island et même une partie du New Jersey. Ce petit groupe devait donc s’occuper de plusieurs millions d’âmes. Or, au moment où l’émetteur a été vendu, il y avait à l’intérieur des limites administratives de la ville de New York soixante-deux congrégations, comptant un maximum de 7 256 proclamateurs, plus 322 pionniers qui leur étaient associés.
Oui, la ville de New York recevait un bon témoignage. Vous vous rappelez certainement que les témoins s’y étaient réunis à trois occasions, lors de deux congrès internationaux en 1950 et en 1953, et lors d’une assemblée de district en 1955. Les trois fois ils s’étaient assemblés au Yankee Stadium, le plus grand stade de base-ball de New York. Comme en 1953, celui-ci était archicomble, et 49 000 personnes en surnombre étaient réunies à la Cité de caravanes, à une soixantaine de kilomètres de là. Tous les témoins de Jéhovah se demandaient où l’on pourrait bien tenir un autre congrès international de ce genre après que la société du monde nouveau se serait accrue encore pendant quelques années. Alors, dans La Tour de Garde (angl.) du 15 décembre 1956, au bas de la page 763, on a pu lire cette annonce:
IL NE RESTE PLUS QUE 19 MOIS! Oui, dans un peu plus d’un an et demi, les témoins de Jéhovah envisagent de tenir une assemblée internationale. Où donc? Dans la ville de New York. Quand cela? Du 27 juillet au 3 août 1958. Commencez d’économiser maintenant. Prenez des dispositions pour y assister!
Avec foi, les témoins de Jéhovah ont donc commencé à se préparer dans le monde entier. Nous vous raconterons la semaine prochaine ce qui en est résulté.
[Notes]
a a Rapport pour avril 1959, adressé au bureau du président de la Société.
b b Annuaire (angl.) 1954, p. 161.
c c Annuaire (angl.) 1959, p. 126.
d d Annuaire (angl.) 1940, p. 160.
e e wF 1947, p. 253.
f f wF 1948, p. 155.
g g wF 1949, p. 32.
h h wF 1951, p. 59.
i i Annuaire (angl.) 1951, p. 242.
j j Annuaire 1938, p. 157.
k k wF 1946, p. 268.
l l Annuaire (angl.) 1947, p. 118.
a m wF 1950, pp. 142, 156.
b n wF 1951, p. 59.
c o Annuaire (angl.) 1952, p. 246.
d p De 130 en 1944, leur nombre passa à 1 164 en 1954 (Annuaire [angl.] 1955, p. 271).
e q Accroissement: de 837 en 1946 à 3 265 en 1954.
f r De 2 191 en 1946, leur nombre passa à 6 072 en 1954 (Annuaire [angl.] 1954, p. 240).
g s wF 1949, p. 141.
h t wF 1955, p. 95.
i u Rapport pour avril 1959, établi par le bureau du président de la Société.
j v Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.
k w wF 1957, p. 122.
l x Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.
a y Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.
b z Post, Washington, samedi 21 mars 1959, p. A8 [voir aussi wF 1959, p. 378].
c aa Journal-Every Evening, Wilmington, Delaware, jeudi 26 mars 1959, p. 16 [voir aussi Réveillez-vous!, 8 oct. 1960, p. 14].
d bb wF 1947, p. 284.
e cc Annuaire (angl.) 1959, p. 168.
f dd Annuaire (angl.) 1951, p. 148.
g ee Réveillez-vous!, 22 janv. 1958, p. 6.
h ff Ibid.; Annuaire (angl.) 1958, p. 67.
i gg Annuaire (angl.) 1958, pp. 66, 67. Voir aussi w 1957, pp. 617-619.
j hh Réveillez-vous!, 22 déc. 1956, pp. 6, 7.
k ii Annuaire (angl.) 1959, p. 79.
l jj Réveillez-vous!, 8 déc. 1956, p. 11.
a kk Annuaire (angl.) 1956, p. 103.
b ll Réveillez-vous!, 8 avril 1958, p. 11.
c mm Informateur, juin 1956, pp. 1, 2.