Les Écritures hébraïques selon la Traduction du monde nouveau
Comme notre cœur a vibré de joie, l’été dernier, lorsque nous avons reçu la Traduction du monde nouveau! Nous avions enfin en main la Bible complète! Depuis, nous avons eu l’occasion d’examiner de plus près la nouvelle version. Qu’avons-nous constaté? Que le vocabulaire est renouvelé et que les changements sont nombreux. Peut-être vous est-il même arrivé de ne plus reconnaître certains de vos passages de prédilection. Tout cela a frappé votre attention. Or, la version comporte bien d’autres particularités, moins visibles, et qui sont même d’autant plus difficiles à déceler qu’il s’agit le plus souvent de choses qui semblent aller de soi, donc qui n’arrêtent pas le lecteur. D’importantes nuances risquent ainsi de lui échapper. C’est pour vous faire prendre plus vive conscience de certaines caractéristiques de notre version et pour vous montrer tout ce que vous apportent ses pages, que nous publions le présent article consacré plus particulièrement aux Écritures hébraïques.
Qu’est-ce que la Traduction du monde nouveau? Sa première page nous apprend que c’est une version qu’on a faite d’après le texte révisé de l’édition anglaise de 1971, mais en tenant régulièrement compte de l’hébreu, de l’araméen et du grec. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une traduction de traduction. On sait les faiblesses de ce genre de versions. Les traducteurs, qui travaillaient sous la direction du comité de Brooklyn, ne s’en sont pas tenus au seul texte de la version anglaise. Ils ont consulté régulièrement et en premier lieu l’hébreu et le grec. Ce n’est qu’après avoir étudié les divers sens possibles du terme hébreu ou grec qu’ils ont cherché son équivalent dans notre langue en faisant évidemment la même option que la version anglaise. Le sens une fois établi, ils ne s’en sont plus départis, sauf dans les cas où le contexte exigeait impérieusement l’adoption d’un autre terme. Autrement dit, nos traducteurs se sont attachés à toujours rendre le même vocable hébreu ou grec par le même vocable français. Ainsi le mot nèphesch a été invariablement traduit par “âme”, le mot ʼâschâm par “culpabilité”, et ainsi de suite. Notre version est tissée de chaînes de mots.
Voyons maintenant de plus près les Écritures hébraïques. Nous aborderons sans retard le chapitre du verbe et de sa syntaxe, chapitre que nous avons divisé en plusieurs parties: le verbe hébreu, le waw et les formes causatives.
LE VERBE
Le verbe hébreu. — Nous définirons simplement le verbe comme un mot qui exprime une action. Chez nous, l’idée d’une action est liée à une idée de temps. En effet, dans nos langues, le verbe énonce à quel point du temps, présent, passé, futur, se place l’action. Il n’en va pas de même en hébreu. Le verbe hébreu représente plutôt l’action comme accomplie ou inaccomplie. Autrement dit, le verbe hébreu représente l’action qu’il exprime comme étant soit dans un état complet, soit dans un état incomplet d’achèvement ou de réalisation. Il exprime donc fondamentalement deux états qu’on appelle le parfait (= complet) et l’imparfait (= incomplet). Il n’a pas de “temps” ou formes temporelles (passé simple, présent, futur simple, etc.) au sens où nous entendons ce terme dans nos langues occidentales. C’est le contexte qui suggère le temps.
Comment réussit-on dans une langue comme la nôtre à marquer les deux états du verbe hébreu? On y parvient en se servant de périphrases verbales et de diverses locutions, comme le montreront les exemples suivants. (Tous nos verbes ayant des formes temporelles, ils prendront obligatoirement le temps indiqué par le contexte.)
Considérons d’abord le parfait, qui représente l’action comme accomplie.
Si le contexte suggère le passé, le parfait se traduit simplement par un passé français: une action passée est forcément accomplie.
“Au commencement Dieu créa (parfait) les cieux et la terre.” (Gen. 1:1). Le passé simple “créa” exprime un fait complètement achevé et suffit à marquer que l’action indiquée par le verbe est dans un état complet d’achèvement ou de réalisation.
Si le contexte suggère l’avenir, le parfait marque que l’action est considérée comme déjà accomplie. Autrement dit, il exprime la certitude totale. Des locutions telles que à coup sûr, sans faute, assurément, bel et bien, etc., indiqueront la certitude absolue.
“Mais, après elles, se lèveront à coup sûr sept années de famine, et l’on oubliera assurément toute l’abondance au pays d’Égypte, et la famine consumera bel et bien le pays.” (Gen. 41:30).
“Il adviendra sans faute.” (És. 2:2; 29:18; Jér. 49:2).
Nous avons mis en caractères gras les expressions (verbes + locutions) qui traduisent des verbes hébreux au parfait.
S’il s’agit d’un commandement, le parfait marque alors que l’action est considérée comme devant être accomplie ou exécutée. Il y a obligation ou nécessité. Le parfait ne doit pas alors se rendre par un simple futur.
“Le prêtre devra écrire (et non “écrira”) ces imprécations, etc.” (Nomb. 5:23, etc.).
Si le contexte suggère le présent, le parfait marque l’insistance, l’accentuation.
“Oui, J’aime, car Jéhovah entend.” (Ps. 116:1; 41:11; 45:2).
Voyons à présent l’imparfait, qui représente l’action comme inaccomplie. Il peut donc s’agir d’une action qui commence, qui continue, qui dure, qui se répète, etc. L’aspect inaccompli de l’action est marqué dans notre version par des périphrases verbales ou par diverses locutions. Dans les passages cités ci-dessous nous mettons en caractères gras les expressions qui traduisent les verbes hébreux à l’imparfait.
Action qui commence:
“Et Dieu se mit à créer l’homme.” (Gen. 1:27).
“Et Noé se mit en devoir de faire, etc.” (Gen. 6:22).
Les périphrases verbales se mettre à, se mettre en devoir de, commencer à, servent à indiquer que l’action commence, qu’on entre dans l’état.
Action qui continue, qui dure, qui se répète, etc.
“Or Jéhovah Dieu formait du sol toute bête sauvage des champs.” (Gen. 2:19). Ici notre imparfait-temps, qui marque l’aspect de durée, donc l’action incomplète, suffit à traduire l’imparfait-état du verbe hébreu. (Voir Gen. 7:15; 43:34; etc.).
“Et il rassembla sans relâche tous les vivres, etc.” (Gen. 41:48).
“Et Joseph continua d’entasser du grain.” (Gen. 41:49).
“Et petit à petit s’achevèrent les sept années de l’abondance, etc.” (Gen. 41:53).
“Et sans cesse ils l’irritèrent par leurs hauts lieux.” (Ps. 78:58).
Prenons les mêmes passages dans d’autres versions. Que remarquons-nous? Que le plus souvent elles traduisent les verbes hébreux à l’imparfait par notre passé simple, qui, rappelons-le, sert dans notre langue au récit de faits en général brefs et successifs. Cela ne va pas toujours sans inconvénients. En effet, quand dans une narration biblique des imparfaits se suivent, si on les traduit invariablement par le passé simple, sans plus, le lecteur aura l’impression qu’il s’agit de faits successifs, alors que souvent il s’agit d’actions contemporaines les unes aux autres. Nous voulons dire par là que deux actions au lieu de se suivre peuvent survenir en même temps ou bien que l’une peut être en cours d’exécution quand survient l’autre. Il ne s’agit plus alors d’actions successives, mais d’actions contemporaines l’une à l’autre. Voici quelques exemples de contemporanéité ainsi entendue:
“Quant à Siséra, il s’enfuyait (verbe hébreu à l’imparfait) à pied vers la tente de Jaël, femme de Héber (...). Alors Jaël sortit (imparfait avec waw consécutif) à la rencontre de Siséra ” (Juges 4:17). Actions contemporaines: C’est pendant que Siséra s’enfuyait que Jaël sortit à sa rencontre.
Voici le même passage selon Segond: “Sisera se réfugia à pied dans la tente de Jaël, femme de Héber (...). Jaël sortit au-devant de Sisera.” Actions successives: Siséra se réfugia dans la tente de Jaël, ensuite la femme sortit au-devant de lui.
“Cependant David se mit en devoir de s’emparer (imparfait) de la forteresse de Sion (...). Et David dit ce jour-là, etc.” (II Sam. 5:7, 8). Actions contemporaines l’une à l’autre.
Voici ce même verset selon Darby: “Mais David prit la forteresse de Sion (...). Et David dit en ce jour-là. etc. Ici David semble donner son ordre après la prise de Sion. Actions successives. Les autres versions ont senti la difficulté et traduisent par un plus-que-parfait: “David avait dit en ce jour-là, etc.”
Voir aussi Gen. 19:24, 25; 24:10; II Sam. 24:15, 16; Jér. 36:19, 26 (Jérémie ne s’est pas caché deux fois; Dieu ‘l’a tenu caché’); etc., et comparez avec d’autres versions.
Comme on le voit, une traduction qui marque le sens de l’imparfait hébreu gagne indubitablement en précision et en clarté. Son texte prend une tonalité nouvelle. Ce n’est plus une sèche relation de faits rapportés au passé simple, sans plus, et qui semblent donc tous se succéder, alors que souvent ils sont contemporains les uns aux autres.
Dans un contexte qui indique le présent, l’imparfait se marque par les mêmes locutions et les mêmes périphrases verbales (mises au présent évidemment) que pour un contexte passé. S’il s’agit de l’avenir, le verbe hébreu à l’imparfait se rendra par un futur simple (action non encore accomplie).
“Jéhovah fera venir (imparfait, action non encore accomplie) contre toi (...) des jours tels qu’il n’en est pas venu (...). Et en ce jour-là il adviendra sans faute (parfait, certitude totale), etc.” (És. 7:17, 18, etc.). On notera le contraste entre les deux futurs.
Le waw. — La sixième lettre de l’alphabet hébreu s’appelle waw et se transcrit en français par un “w” ou un “v”. (Voir dans un psaume alphabétique comment cette consonne se présente en hébreu, au Psaume 119:41 par exemple.) Le waw s’emploie comme conjonction et a pour sens fondamental “et”. (Conjonction, du lat. conjunctio, action de joindre ensemble.)
Voici une série de waw de ce genre; “(...) de lui donner des moutons et des bovins, et de l’argent et de l’or, et des serviteurs et des servantes, et des chameaux et des ânes.” (Gen. 24:35).
Tous ces noms précédés de “et” s’écrivent en hébreu en un seul mot. Par exemple, l’expression “et de l’argent” traduit le mot hébreu wekeçeph qui se compose d’un préfixe, we (et), et d’un nom, keçeph (argent). Le préfixe we est un waw muni d’une semi-voyelle.
Dans ce verset le waw unit des noms: “des moutons et des bovins, et de l’argent et de l’or, etc.” Il marque un simple rapport d’union, “il joint ensemble”, sans plus. C’est le waw conjonctif.
Comme nous allons le voir, le waw ne marque pas toujours un simple rapport d’union et ne doit donc pas invariablement se traduire par “et”.
Quelle est sa valeur lorsque, dans une relation d’événements en série, seul le premier verbe est au parfait et les autres sont à l’imparfait précédés du waw? Voici en II Rois 20:1 une phrase qui commence par un parfait et dont les verbes qui suivent sont à l’imparfait avec le waw. Nous citons Darby qui n’escamote pas ici les waw comme font généralement les autres versions. Dans ce passage ils sont tous rendus par “et”.
“En ces jours-là, Ézéchias fut malade à la mort (verbe hébreu au parfait); et Ésaïe (...) vint (imparfait) vers lui, et lui dit (imparfait), etc.”
Avant de poursuivre, voici une traduction littérale de la seconde partie du verset, avec transcription des verbes hébreux. Vous pourrez ainsi mieux vous représenter le waw devant des verbes hébreux à l’imparfait.
“(...) et vint vers lui Ésaïe (...) et dit à lui, etc.”
“(...) et vint”, “(...) et dit” s’écrivent en un seul mot. “(...) et vint”, héb. wayiâbôʼ qui se compose du préfixe wa (waw doté de la voyelle a) et du verbe yiâbôʼ (vint, imparfait). “(...) et dit”, héb. wayiôʼmer (préfixe wa et verbe yiôʼmer, dit, imparfait).
On notera que devant l’imparfait le waw, qui se joint comme préfixe au verbe, est caractérisé par la voyelle a.
Quelle est la fonction du waw lorsqu’il s’unit à des verbes à l’imparfait?
Dans des phrases de ce genre (parfait + imparfaits), la conjonction ne reste pas toujours simplement copulative. Le waw devant ces imparfaits n’exprime plus un simple rapport d’union, mais une corrélation plus complexe. Le but de cette construction (parfait + imparfaits) est de marquer que les actions indiquées par les verbes hébreux à l’imparfait sont dans une relation particulière, une suite logique ou chronologique avec le premier verbe qui est au parfait. Ce waw ne doit donc pas toujours se rendre simplement par “et”. Ce n’est plus un waw conjonctif. C’est le waw consécutif (consécutif: qui exprime la conséquence, la suite).
Voici à présent II Rois 20:1 selon notre version: “En ces jours-là Ézéchias tomba malade à en mourir. C’est pourquoi Ésaïe (...) entra vers lui et lui dit, etc.”
La ligature logique c’est pourquoi traduit le waw consécutif.
Dans les phrases de ce genre (parfait + imparfaits), le narrateur s’est représenté une série d’événements ou de faits qu’il juge chacun du point de vue du premier verbe, au parfait.
Dans notre version, nous avons tenu compte de cette fonction du waw devant l’imparfait. Nous avons exprimé toute la portée du waw consécutif au moyen d’expressions à valeur logique (aussi, donc, par conséquent, c’est pourquoi, etc.) ou à valeur temporelle (puis, ensuite, après cela, finalement, par la suite, plus tard, etc.)
Ces ligatures marquent la continuation de l’action. On préserve par ce moyen le sens fondamental de l’imparfait hébreu: l’action incomplète. L’effet produit est celui d’une action non achevée, d’un récit continu.
Le waw consécutif permet donc d’exprimer une foule de nuances qui donnent au texte une coloration nouvelle, comme vous allez pouvoir en juger par les quelques exemples suivants. Nous mettons en caractères gras tout ce qui traduit les imparfaits précédés du waw consécutif.
“Plus tard, ils entendirent la voix de Jéhovah Dieu (...). Et Jéhovah Dieu appelait (ici notre imparfait-temps marque l’aspect de durée; le waw consécutif est rendu par un simple “et”) vers l’homme et lui disait: ‘Où es-tu?’ Finalement il dit, etc.” (Gen. 3:8-10).
“Finalement Jéhovah dit à Moïse: ‘Tends ta main sur la mer (...).’ Moïse tendit aussitôt sa main sur la mer, et la mer commença à revenir à sa place habituelle, à l’approche du matin (...). Et les eaux revenaient. Finalement elles recouvrirent les chars de guerre et les cavaliers.” (Ex. 14:26-28; voir II Rois 4:18, 19; etc.).
Vous trouverez quantité d’autres exemples de ce genre dans notre version.
Les formes causatives. — En français le verbe peut être à la forme active, à la forme passive, à la forme pronominale. En hébreu le verbe a lui aussi des formes ou conjugaisons, mais en bien plus grand nombre. Ces formes sont au nombre de sept principales auxquelles s’en rattachent un certain nombre d’autres, plus rares. Nous ne retiendrons que la forme intensive à laquelle s’attache quelquefois un sens causatif et la forme causative proprement dite.
Voici comment ont été rendus des verbes hébreux à la forme causative dans les passages suivants:
Exode 8:15: “Il (Pharaon) rendit son cœur insensible.”
Exode 10:1: “J’ai laissé devenir insensibles son cœur et le cœur de ses serviteurs.”
Voici la traduction de verbes à la forme intensive à valeur causative.
Exode 14:4: “Je laisserai donc s’obstiner le cœur de Pharaon.”
Exode 14:8: “Ainsi Jéhovah laissa s’obstiner le cœur de Pharaon.” Voir Juges 3:12; II Thess. 2:11.
Ainsi ce n’est pas Jéhovah qui a directement endurci le cœur de Pharaon ou qui a fortifié Églon contre Israël (voir Segond). Notre version honore le nom de Jéhovah.
AUTRES PARTICULARITÉS
“Toutes sortes de”. — En hébreu on rencontre la particule kôl qui veut dire “tout”. Mais ce n’est pas là sa seule signification. Le mot prend aussi le sens de toutes sortes de.
Ainsi, dans notre version, Exode 9:6 a été rendu comme suit: “Jéhovah fit donc cette chose le lendemain, et toutes sortes de (kôl) bestiaux d’Égypte commencèrent à mourir.”
Les autres versions traduisent ici kôl par “tous”: “Tous les troupeaux (...) moururent.” (Da; Seg; etc.).
Or toutes les bêtes d’Égypte n’avaient pas péri. Il restait encore du bétail que les Égyptiens qui craignirent la parole de Jéhovah purent mettre à l’abri contre la plaie de la grêle. (Ex. 9:19-21). De même pour la grêle. (Ex. 9:25; 10:5; cf I Tim. 2:4).
On notera avec intérêt que, dans Exode 35:22 par exemple, d’autres versions traduisent kôl par l’expression toutes sortes de: “Toutes sortes d’objets d’or, etc.” (Ex. 35:22, Da; Seg; etc.).
Le pronom indéfini “on”. — Le pronom hébreu peut prendre la valeur d’un pronom indéfini. C’est ainsi que nous l’avons rendu en II Samuel 24:1: “Et de nouveau la colère de Jéhovah devint ardente contre Israël, quand on (litt. “il”) excita David contre eux.”
Le pronom “on” désigne ici Satan, comme l’atteste le passage parallèle de I Chroniques 21:1: “Alors Satan se leva contre Israël et incita David à dénombrer Israël.” C’est Satan et non Jéhovah qui poussa David à faire le recensement.
Les autres Bibles françaises traduisent ici le pronom hébreu par “il” et certaines, comme Osty, déclarent en note que les Israélites attribuaient tout à Dieu, comme à la cause première, même l’incitation au mal.
Or, ces mêmes Bibles n’hésitent pas à rendre, elles aussi, le pronom hébreu par l’indéfini “on” chaque fois que le contexte semble le leur commander. “On (litt. “ils”) trébuche sur les cadavres.” (Nahum 3:3, Da). “On (litt. “il”) coupe à droite, etc.” (És. 9:19, CT).
En traduisant le pronom hébreu par “on” en II Samuel 24:1, notre version honore le nom de Jéhovah. — Jacq. 1:13.
Vocabulaire. — Qu’est-ce qu’une lagénaire (ou lageneria, du lat. lagena, bouteille)? C’est une plante grimpante de la famille des cucurbitacées (qui comprend le concombre, la coloquinte, la courge, etc.). Son fruit a la forme d’une bouteille.
“Aussi Jéhovah Dieu désigna-t-il une lagénaire (héb. qîqâyôn) pour qu’elle montât au-dessus de Jonas.” (Jonas 4:6).
Autrefois les Septante avaient traduit par coloquinte, la Vulgate par lierre. Les versions juives se bornent à transcrire le mot en lettres modernes: kikajon. Luther, Calvin et la Bible du roi Jacques traduisent: courge. Mais la plupart des versions voient dans cette plante le ricin.
Pourquoi a-t-on préféré “lagénaire” à “ricin”? C’est qu’on a observé que la lagénaire, outre sa croissance rapide, se flétrit très vite dès que la plante est atteinte. On fait encore remarquer que, d’après le contexte, il semble bien s’agir d’une plante grimpante, qui ‘monta sur’ la hutte de Jonas, et non d’une plante comme le ricin, qui ressemble à un arbre. Dans les pays orientaux la lagénaire se plante souvent près de huttes comme celle de Jonas. Notons cependant qu’on ne trouve nulle part dans la Bible une description de cette plante.
Que signifie mémorial? Un mémorial est ce qui fait se souvenir d’un événement ou d’une personne.
Bien des choses peuvent faire office de mémorial.
Les douze pierres que Josué fit enlever du milieu du Jourdain, après que la nation eut fini de traverser le fleuve, devaient servir de mémorial: “Ces pierres doivent servir de mémorial pour les fils d’Israël (Jos 4 v. 6: “de signe”).” (Josué 4:7). Ces pierres devaient devenir des objets commémoratifs, des choses destinées à rappeler le passage du Jourdain.
Le nom de Jéhovah est également un mémorial. Il rappelle tout ce que Jéhovah s’est révélé être: “C’est là mon nom jusqu’à des temps indéfinis et c’est là mon mémorial de génération en génération.” (Exode 3:14, 15).
Nom et mémorial sont encore mis en parallèle dans Psaume 135:13: “Ô Jéhovah, ton nom est jusqu’à des temps indéfinis. Ô Jéhovah, ton mémorial est de génération en génération.” (Voir Ésaïe 26:8; Osée 12:5).
Le Repas du Seigneur, qui rappelle sa mort sacrificielle, est également un mémorial, le mémorial de son sacrifice.
Le mémorial, qui est une chose commémorative, n’est donc pas à confondre avec la commémoration, qui est une action (ou cérémonie) consacrée à rappeler le souvenir de la chose. Il est donc parfaitement exact de dire que pendant le Repas du Seigneur, qui est un mémorial de son sacrifice, on commémore la mort de Jésus. Le mot “commémoration” n’est nullement à proscrire de notre vocabulaire.
Qu’est-ce qu’un ouadi? Ce mot traduit l’hébreu nachal. Le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux (Cédron, col. 381) le définit ainsi: “Le mot hébreu nachal a pour équivalent exact l’arabe ouadi, qui désigne en même temps la vallée et le cours d’eau qui la traverse.”
Nous avons opté pour ouadi qui a l’avantage de désigner à la fois la vallée et le torrent qui la parcourt. Les autres versions traduisent soit par “vallée”, soit par ‘torrent”. Ainsi, en Nombres 21:12, la Bible Darby dit: “Ils (...) campèrent dans la vallée (nachal) de Zéred”, mais elle indique en note: “ou: le torrent”.
Le mot ouadi a donc une double signification. Il désigne soit la vallée que traverse un cours d’eau, soit le cours d’eau lui-même. En Deutéronome 8:7 la Terre promise est décrite comme un “pays de ouadis d’eau, de sources et de flots d’abîmes”. Certains de ces cours d’eau, alimentés par des sources, sont réguliers, les autres non. En hiver, qui est la saison des pluies, ces derniers deviennent de véritables torrents (torrents d’hiver), mais, après les pluies, ils se dessèchent complètement et le ouadi n’est rien d’autre qu’une vallée. Le fidèle Job a comparé la perfidie de ses frères à son égard à un torrent d’hiver qui tarit en été (Job 6:15-17). Voir aussi I Rois 17:7; 18:5.
Les images. — Chaque langue charrie une grande quantité d’images. L’hébreu ne fait pas exception.
Nombre d’images hardies ont été traduites littéralement dans notre version.
Ainsi en Osée 14:2: “Nous offrirons en échange les jeunes taureaux de nos lèvres.” Darby traduit: “Nous te rendrons les sacrifices (en note: litt.: les taureaux) de nos lèvres.” Et Segond dit: “Nous t’offrirons, au lieu de taureaux, l’hommage de nos lèvres.” (C’est vraiment en prendre à son aise avec le texte hébreu.)
Ainsi encore en Proverbes 16:3: “Roule tes œuvres sur Jéhovah.” Jadis il fallait, avant de pouvoir abreuver le bétail, rouler la grosse pierre qui bouchait l’orifice du puits (Gen. 29:3; voir Josué 10:18; Prov. 26:27).
L’expression est devenue une image. On roule de dessus quelqu’un ce qui pèse sur lui comme une grosse pierre. Ou bien on roule sur un autre ce qui pèse sur soi. “Aujourd’hui j’ai roulé de dessus vous l’opprobre d’Égypte.” (Josué 5:9, MN; Dhorme, Darby, la Bible Osty traduisent de même.) Voir Psaumes 37:5 et 119:22.
En d’autres cas, on a rendu le sens de l’image, quand ce sens est bien établi et que la traduction littérale risque d’égarer le lecteur.
“Se couvrir les pieds” est une image qui paraît en Juges 3:24 et en I Samuel 24:3 et dont on a traduit le sens: “satisfaire un besoin naturel”.
“Et Saul entra pour satisfaire un besoin naturel (litt.: “pour se couvrir les pieds”).” (I Sam. 24:3). Il s’est accroupi et a laissé tomber la tunique sur ses pieds.
“Et j’enverrai en avant de toi le sentiment de découragement (autres versions: “les frelons”).” (Ex. 23:28); voir aussi Deut. 7:20 et Josué 24:12. Dans sa note sur Exode 23:28, la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) signale que “certains préfèrent traduire: découragement, démoralisation”. Dans le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux on peut même lire que “saint Augustin interprète dans le sens métaphorique les passages où il est parlé de frelons”. (Frelons, colonne 2402.)
Jéhovah n’a pas envoyé en avant des Israélites une armée de guêpes, mais la démoralisation, le sentiment de découragement. Rappelez-vous ce qui arriva, par exemple, aux habitants de Jéricho à l’approche des armées d’Israël. Aux deux espions venus dans la ville, Rahab confessa: “La frayeur que vous inspirez s’est abattue sur nous, et (...) tous les habitants du pays se sont démoralisés à cause de vous. (...) et le courage n’est encore revenu chez personne.” — Josué 2:9, 11.
Les passages difficiles. — Parlant des lettres de Paul, l’apôtre Pierre a dit qu’“il s’y trouve des choses difficiles à comprendre”. (II Pierre 3:16.) Or, le texte hébreu contient lui aussi des passages difficiles.
Prenons, par exemple, Job 19:25, 26, qui a subi différentes interprétations: “Et moi, je sais bien que mon rédempteur (héb. goʼél) est vivant, et que, venant après moi, il se dressera au-dessus de la poussière. Et après ma peau, qu’on a enlevée, — ceci! (Job montre probablement son corps émacié par la maladie). Bien que réduit dans ma chair, je contemplerai Dieu.”
Rappelons d’abord que le mot hébreu goʼél désigne un parent, en général le plus proche, qui a le droit de rachat et qui est donc tenu à certains devoirs spéciaux. (Il doit racheter son parent devenu esclave, être le vengeur du sang, etc.) Jéhovah se nomme le goël (Rédempteur, Racheteur: Ps. 19:14; És. 41:14, etc.) de son peuple. Il accepte en effet, en faveur des justes et du peuple qu’il s’est choisi, les obligations qui incombent au goël. Il les délivre de l’esclavage et de l’exil (Ex. 15:13, etc.), il plaide leur cause, prend en main leur procès (Prov. 23:10, 11; Jér. 50:34).
Revenons maintenant à notre texte. Job, calomnié et condamné par ses faux amis, espérait que quelque proche parent ayant le droit de rachat viendrait le délivrer de la situation où il était, même si ce parent ne devait venir, pour se dresser ou se lever en tant que goël (rédempteur), que lorsque son corps se serait émacié ou réduit au point de n’être plus qu’un squelette. (Voir Deut. 19:16; Ps. 35:11; 82:3. On “se dresse” ou on “se lève” comme défenseur, accusateur, témoin ou juge.)
La Vulgate et d’autres versions à sa suite ont vu dans ce texte l’annonce de la résurrection des corps, comme l’explique cette note sur Job 19:25, 26 qu’on trouve dans la Bible Osty (Bible catholique parue en 1973):
“(...) Un des sommets du livre de Job, hérissé de difficultés de tous ordres (...). L’autorité de saint Jérôme et de la Vulgate a infléchi longtemps l’exégèse catholique vers une solution qu’une étude plus attentive et plus sereine du texte et du contexte (...), ont rendue peu probable. Voici la traduction de saint Jérôme: ‘(...) Car je sais que mon Rédempteur est vivant, qu’au dernier jour je me lèverai de terre, que de nouveau je serai entouré de ma peau et que dans ma chair je verrai Dieu.’ Et le grand exégèse continue: ‘Job prophétise ici la résurrection des corps de telle sorte que nul n’a écrit sur ce sujet de façon aussi nette et aussi certaine.’”
Il aura fallu des siècles pour que l’exégèse catholique, ‘retrouvant un peu plus de sérénité’, considère une telle “solution” comme peu probable. En effet, comme on peut le constater dans notre version, le texte hébreu est loin d’être aussi limpide que le laisse croire la traduction de Jérôme. Devant un passage difficile, celui-ci n’a pas su résister à la tentation. Il a poussé “l’amélioration” du texte jusqu’à lui inventer un sens, jusqu’à lui faire annoncer la résurrection des corps.
“Même si main est à main, un homme mauvais ne restera pas impuni.” (Prov. 11:21; 16:5).
Les traducteurs français unanimes estiment que le “main à main” qui paraît dans le texte hébreu doit se traduire par à coup sûr ou par un terme équivalent (certes, sûrement, etc.). “À coup sûr, le méchant ne sera pas tenu pour quitte.” (Prov. 11:21, Dhorme). Nombre de traducteurs étrangers font la même correction, mais pas tous. Ainsi Isaac Leeser voit dans l’une des mains celle de Dieu et dans l’autre celle du méchant. Voici sa traduction (en anglais): “La main (de Dieu) étant contre (sa) main, l’homme mauvais ne restera pas impuni.” Encore une conjecture.
En Orient, l’acte de toucher la main ou de toper de la main signifiait qu’une alliance ou un marché était scellé. C’est par un tel geste que Jéhu ratifia la réponse affirmative que Jonadab fit à sa question: “Ton cœur est-il droit envers moi, comme mon cœur l’est envers ton cœur?” Car il lui dit: “S’il l’est, donne-moi ta main.” (II Rois 10:15). On donnait donc la main en signe d’accord ou d’alliance (Ézéch. 17:18).
“Le vrai Dieu lui-même continue à chercher ce qui est poursuivi.” (Eccl. 3:15).
On traduit traditionnellement: “Dieu ramène ce qui est passé.” Mais que lit-on en hébreu? Rien de plus que ce que dit notre version, comme l’atteste, par exemple cette note de la Bible du Centenaire: “Litt.: ‘ce qui à été poursuivi, c’est-à-dire chassé’.”
La Bible Osty, qui traduit l’hébreu plus littéralement: “Dieu recherche ce qui a été chassé”, dit ceci dans sa note: “(...), traduction littérale d’un texte difficile et dont le sens probable est que Dieu ramène les événements passés, les reproduit. C’est dans ce sens que BC traduit: ‘Dieu recherche ce qui a été relégué dans le passé.’ Autres traductions: ‘Dieu aime le persécuté’ (B Jr); ‘recherche ce qui fuit’ (Pl); ‘ramène ce qui est passé’ (Cr).” (Sigles: BC: Bible du Centenaire; B Jr: Bible de Jérusalem; Pl: Pléiade; Cr: Crampon.)
On notera au passage la traduction de la Bible de Jérusalem: “Dieu aime le persécuté.” Le traducteur a opéré un miracle. D’un coup de baguette magique, il a transformé un texte difficile en une expression parfaitement claire et édifiante. Nous ne voudrions pas vous priver de son commentaire: “Dieu, lui, a un penchant pour le plus faible. Dieu cherche le ‘poursuivi’: cela ne veut pas dire qu’il recherche le criminel fuyard, mais qu’il est favorable au persécuté.” (Note dans la Bible de Jérusalem en fascicules). Qu’on est loin du texte hébreu!
Prenant la Bible de Jérusalem dans son collimateur, voici ce qu’a écrit Henri Meschonnic (spécialiste de la linguistique et auteur d’une traduction du Cantique des cantiques) dans un article qui a paru sous le titre La Bible dans le nouvel Observateur de mai-juin 1971: “La Bible de Jérusalem est sans doute la plus répandue actuellement sur le marché. Elle se monnaie en de multiples éditions ou formats. C’est la plus insidieusement mauvaise. Sa rhétorique est parfois fleurie: ‘ils s’assirent pour boire’ devient ‘se prodiguèrent en festins et beuveries’ (Esther 3:15). (...) La pratique constante de la Bible de Jérusalem est fondée sur le mépris (qui n’étonnera que les profanes) du texte hébreu, ce dont la critique scientifique a commencé pourtant depuis longtemps de revenir. Cette attitude pseudo-philologique qui corrige là où elle ne comprend pas ou ne veut pas comprendre, qui remplace l’hébreu chaque fois qu’il lui est utile par les versions anciennes (grec, syriaque, latin...), est classique.”
En effet, cette attitude est classique. Nombre de versions cèdent à la tentation de corriger là où elles ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre, de remplacer l’hébreu par les versions anciennes (Septante, Vulgate, etc.) ou d’inventer purement et simplement un sens au texte. Les difficultés s’évanouissent alors comme par enchantement. Le verset devient parfaitement limpide. La réputation du traducteur est sauve et le lecteur est content.
Inutile de vous dire que nous nous sommes bien gardés d’opérer des miracles de ce genre. Nous avons respecté le texte hébreu jusqu’au scrupule. Nous n’avons pas cru devoir lui inventer un sens. Il s’agit, ne l’oublions pas, de la Parole inspirée de Jéhovah. Ôtons-nous donc de l’idée que parce que c’est la Traduction du monde nouveau, tout, absolument, doit être parfaitement limpide et édifiant. Au contraire. Les passages difficiles en hébreu resteront difficiles dans notre version. Que voulons-nous lire dans la Bible? Les idées d’un traducteur, ou un texte qu’on a approché, autant qu’il est possible, du texte original?
Nous venons de vous donner un très faible aperçu de tout ce que la Traduction du monde nouveau peut apporter à un lecteur attentif et averti. Si certains passages vous demanderont un effort de réflexion, vous ne le regretterez pas, car il vous fera progresser dans la connaissance exacte du texte inspiré. Est-il besoin de dire que toute notre reconnaissance va à Jéhovah pour ce bel instrument qu’il a mis entre nos mains par l’entremise de son organisation?