Les gouvernants malais contre la liberté d’adoration
SUR une carte de l’Asie vous pouvez voir une langue de terre s’avançant dans la mer de Chine méridionale, c’est la presqu’île Malaise ou presqu’île de Malacca. Rattachée au continent par sa partie septentrionale, elle est un prolongement du Siam situé lui-même entre l’Indochine et la Birmanie. Plus à l’ouest s’étend l’Inde, tandis qu’au sud et dans le voisinage immédiat de la presqu’île, nous apercevons les îles de Sumatra et de Bornéo. Singapour, grand carrefour mondial, occupe à l’extrême sud la pointe de la péninsule. Au cours des dernières années de grands drames politiques se sont joués sur ce théâtre géographique. Il n’y a pas si longtemps, toute cette partie de l’Asie était soumise à l’autorité de la Grande-Bretagne, de la France et de la Hollande. Mais depuis la défaite du Japon en 1945, Sumatra et Bornéo suivis par d’autres territoires se détachèrent de la Hollande. Les indigènes de l’Indochine cherchent à évincer les Français. L’Inde et la Birmanie ont gagné leur indépendance et les États de la Fédération de Malaisie à leur tour parlent bruyamment de se soustraire à la domination anglaise. Les forces sinistres du communisme ont également été très actives dans cette zone, surtout depuis que, dans le nord, la Chine passa entièrement sous la domination communiste.
Ayant maintenant à l’esprit le cadre et les événements qui s’y déroulèrent, on pourra comprendre la grave erreur que firent en juillet dernier les gouvernants malais lorsqu’ils expulsèrent de leur pays quatre missionnaires chrétiens. Tout cela commença au mois de juin, lorsque quatre témoins de Jéhovah dont trois anglais, L. Atkinson, R. J. Ward, R. G. Moffatt, et un Irlandais, L. McLean, débarquèrent à Singapour avant d’aller plus avant dans la presqu’île Malaise pour entreprendre la tâche qui leur avait été assignée. Étant des gradués de Galaad, l’école biblique de la Watchtower qui se trouve dans l’état de New York, ils avaient fait pour cela un long voyage de quelque dix-neuf mille kilomètres.
Bien que Singapour soit une colonie distincte de la Fédération malaise, elles ont en commun un système de réglementation de l’immigration ; aussi, à leur arrivée dans cette ville, les quatre missionnaires se rendirent-ils auprès du délégué du contrôleur de l’immigration. Celui-ci, un certain M. Fox, les reçut avec beaucoup de courtoisie, mais ne leur accorda la permission de rester que pendant un mois, en attendant que ses supérieurs aient pris en considération leur demande de séjour illimité. Ayant néanmoins reçu l’assurance qu’il n’y aurait pas de difficulté à obtenir cette autorisation, les quatre missionnaires se dirigèrent sur Penang, une petite île qui est en même temps un port sur la côte nord-ouest de la presqu’île Malaise et qui compte 200 000 habitants. Arrivés à destination, ils s’aperçurent que les gens étaient particulièrement hospitaliers et désiraient en apprendre davantage au sujet de la Bible dont ils n’avaient qu’une très faible connaissance. Il est vrai que la majorité de la population est bouddhiste, mais elle écoutait assez volontiers parler d’un Dieu qui fera disparaître toute la corruption, la violence et la désunion qui règnent dans ce monde.
Chaque semaine les missionnaires allaient s’informer au Bureau de l’Immigration à Penang s’il n’y avait pas pour eux une autorisation de séjour illimité, mais rien n’était encore arrivé. Qu’allait faire cette Fédération de Malaisie qui réclamait son indépendance et qui était impatiente de démontrer sa maturité gouvernementale ? Allait-elle se prononcer en faveur de la liberté d’adoration ? Allait-elle adopter la politique libre et démocratique des Nations Unies ? Allait-elle permettre à cette œuvre d’éducation, cette force qui n’a pas son égale pour combattre le communisme athée, d’être effectuée sur son territoire ? Ou allait-elle emboîter le pas aux pays communistes et interdire l’entrée des témoins de Jéhovah ? Ces questions allaient sous peu recevoir une réponse.
GRAVE ERREUR EN HAUT LIEU
Le 10 juillet, les bureaux de la Watch Tower Society à Singapour étaient informés par le Bureau de l’immigration que les missionnaires devaient “ partir le 12 juillet au plus tard ”, mais cet avis n’était pas encore parvenu aux missionnaires lorsque, le 11 juillet, ils se présentaient devant un certain M. A. B. Roche, contrôleur de l’immigration pour la Fédération Malaise à Penang, par qui ils avaient été convoqués. Exécutant la tâche qui lui avait été assignée par quelque supérieur, Roche, avec rudesse, leur demanda leurs passeports, releva la date et dit : “ Hum, vous êtes partis plutôt tard, vous devriez déjà être loin. ” Mais les missionnaires firent remarquer qu’en relation avec leur demande de séjour, ils n’avaient reçu aucune information concernant cette date. Sur quoi Roche répliqua : “ Eh bien, je peux vous donner la réponse maintenant. Je n’accéderai pas à votre demande. ” Il dicta alors des lettres adressées aux missionnaires et dans lesquelles il leur refusait le permis de séjour, se référant pour prendre ces mesures arbitraires à l’autorité de la Police Extraordinaire de la Fédération de Malaisie.
Or cette police extraordinaire n’est autre qu’un pouvoir spécial conféré dans le dessein bien défini de réprimer le brigandage et le communisme. Aussi les missionnaires demandèrent-ils à Roche pourquoi il avait pris ces mesures arbitraires, ce à quoi il répondit sèchement : “ Je ne tiens pas à donner de raison. ” Quel outrage ! Étaient-ils tombés quelque part derrière le rideau de fer ? ils croyaient pourtant se trouver dans le camp du monde occidental, mais néanmoins ils se voyaient infliger le genre de traitement arbitraire commun à ces petits fonctionnaires des pays totalitaires. Tout le monde sait que, dans aucun sens, les témoins de Jéhovah ne sont des brigands ou des communistes, et c’est cependant des prescriptions visant les brigands et les communistes qui leur furent appliquées sans cause ni raison. Il était donc évident que ces méthodes basses et sournoises étaient employées pour servir les desseins d’iniques conspirateurs agissant dans l’ombre.
Lorsque les missionnaires demandèrent à M. Roche s’ils pouvaient en appeler de la décision, celui-ci leur répondit tout d’abord : “ Eh bien, à vrai dire, il n’y a point d’appel. ” Mais, serré de plus près sur ce point, il découvrit une copie du règlement dont un article concédait le droit d’en appeler au secrétaire principal. C’était là au moins une lueur d’espoir ; immédiatement la question fut déférée à Kuala-Lumpur, capitale de la Fédération Malaise. Le secrétaire principal, M. M. V. del Tufo, serait peut-être un homme honnête et sensé, suffisamment sage pour veiller à ce que justice soit rendue en cette affaire.
ON N’OBTIENT PAS JUSTICE DU CONSEIL DES MÉCHANTS
C’est à Kuala-Lumpur que les missionnaires comprirent toute la portée des paroles de Roche : “ À vrai dire, il n’y a point d’appel. ” Ils ne furent pas renvoyés, comme on dit, de Caïphe à Pilate, mais de bureau en bureau cherchant à obtenir réparation de l’injustice flagrante qui avait été commise à leur égard. Lorsqu’ils passèrent d’un fonctionnaire à l’autre on leur donna diverses excuses pour expliquer l’impossibilité d’avoir une entrevue avec quelqu’un de compétent. Essayant de voir le secrétaire principal ils ne purent toucher que les employés de son bureau. Un coup de téléphone à M. P. O. Wickens, secrétaire du gouvernement, qui avait eu affaire avec leur demande écrite, s’avéra également inutile. Mais comme on leur déclara que M. Dato Onn, du ministère de l’intérieur, était en réalité la personne qui s’occupait de ce genre de questions, les missionnaires essayèrent de le voir, mais une fois de plus ils ne purent causer qu’avec son secrétaire particulier. Ils se virent refuser une entrevue avec Dato Onn sous prétexte qu’il n’était pas en son pouvoir de changer quoi que ce soit en cette affaire, la décision venant d’en haut et ayant été prise dans les milieux gouvernementaux. Qu’est-ce que tout cela pouvait bien vouloir dire ?
Le secrétaire de Dato Onn étant un homme bien disposé donna la véritable raison pour laquelle tous les fonctionnaires se dérobaient ainsi. Le 3 juillet, expliqua-t-il, le Conseil Exécutif de la Fédération décréta que “ la politique future de la Fédération de Malaisie consisterait à considérer les représentants de la Watch Tower Society, c’est-à-dire les témoins de Jéhovah, comme des personae non gratae (indésirables) dans la Fédération, et que cette décision s’appliquerait aux quatre missionnaires faisant une demande de permis de séjour. ” Ainsi donc la question était importante, assez importante pour que l’ensemble du Conseil lui prête son attention à huis-clos, mais trop peu importante pour qu’un membre seul accorde un entretien à ceux que cela concernait, à ceux qui étaient présentés sous un jour absolument faux, qui étaient faussement accusés, injustement classés parmi les indésirables et condamnés d’une manière inique sans même avoir été entendus.
En faisant disparaître du territoire malais toute trace du message du royaume de Dieu, les auteurs de cette conspiration voulurent bien faire leur besogne. Ils ne voulaient pas que la question soit débattue en public, ils ne voulaient pas d’appels qui pourraient faire rebondir l’affaire et démasquer les conspirateurs. C’est pour cela qu’ils frappèrent aussi haut que leur influence le leur permit, pour que la décision soit définitive, sans appel, et cela avec le minimum de publicité. Même la simple petite annonce qui parut dans la presse avait suffi pour soulever le mécontentement de plus d’un fonctionnaire. À ce sujet nous reviennent à l’esprit les paroles de Jésus, qui déclara que ceux qui pratiquaient des choses ignobles haïssaient la lumière et l’évitaient dans la mesure du possible craignant que leurs mauvaises actions ne soient dévoilées. — Jean 3:19-21.
Au point où en étaient les choses, il n’y avait dans la Fédération Malaise qu’une seule personne assez puissante pour annuler ou modifier ce décret du Conseil Exécutif : le délégué de la couronne au Conseil, Sir Henry Gurney ; aussi un appel écrit lui fut-il adressé. Plaidant en faveur du redressement de cette grossière erreur, l’appel donna les raisons suivantes :
“ (i) Vos requérants croient que l’œuvre qu’ils accomplissent en aidant ceux qui le désirent à comprendre la Bible est très profitable et fait reposer sur chaque personne des obligations de justice, d’honnêteté, de morale et de respect pour la loi et l’ordre, ainsi que la croyance dans la justice de Dieu et l’espérance du monde nouveau promis par la Bible.
“ (ii) Que pendant leur séjour à Penang, vos requérants ont rencontré beaucoup de gens qui ont manifesté une réelle appréciation de l’aide apportée par vos requérants pour les assister dans la compréhension de la Bible, et qui regretteraient beaucoup que ce service leur soit refusé.
“ (iii) Que vos requérants, étant consacrés au service de Dieu, jugent qu’il est de leur devoir impérieux de répondre à l’appel à la prédication mondiale que l’on trouve dans le commandement biblique suivant : “ Cette bonne nouvelle du Royaume sera prêchée à toutes les nations. ” (Matthieu 24:14). Ayant accompli cette œuvre de prédication gratuitement pendant de nombreuses années dans leur propre pays avec des milliers de compagnons, vos requérants désirent maintenant porter cette bonne nouvelle aux habitants de la presqu’île Malaise, afin que tous les pays sans exception puissent bénéficier de ce commandement divin.
“ (iv) Que vos requérants croient qu’une solide connaissance de la Bible est le rempart le plus durable et le plus efficace contre les idéologies dangereuses et violentes qui prêchent le renversement des états et le changement des systèmes par la violence.
“ (v) Que vos requérants croient que la paix et l’unité remarquables qui règnent parmi les témoins de Jéhovah du monde entier, quelles que soient leur race, leur nationalité ou leur couleur, démontrent d’une façon pratique les bienfaits des résultats de l’enseignement de la Watch Tower Bible and Tract Society. ”
Comme les autres appels, ce cri en faveur de la vérité et de la justice adressé au délégué de la couronne resta sans réponse. Ce fut comme s’il était tombé dans l’oreille d’un sourd — pas d’entretien, pas de raisons, pas de réparation. Toutes les possibilités de suspendre l’exécution de l’ordre du Conseil Exécutif étaient maintenant épuisées. Toute la bureaucratie malaise semblait être fermement opposée à Jéhovah Dieu et aux témoins de son Royaume. La seule porte qui restait ouverte aux quatre missionnaires était celle par laquelle ils étaient entrés. Ils étaient contraints de quitter ce pays où l’intolérance venait de dresser sa tête hideuse et d’aller dans un pays où la liberté d’adoration existe. Et c’est ainsi que le 27 août, les quatre missionnaires quittèrent la Fédération de Malaisie illibérale et entrèrent en Thaïlande, un pays qui aime la liberté, et là ils continuèrent l’œuvre désintéressée que Dieu leur commande de faire, leur travail de missionnaires.
VOUS AUSSI VOUS POUVEZ PROTESTER !
Est-ce à dire que la cause est perdue et que l’affaire est terminée ? Les milieux officiels malais peuvent le penser. Les conspirateurs qui manigancèrent cette affaire peuvent se réjouir d’avoir fait expulser les témoins de Jéhovah et de penser que la porte s’est refermée sur eux pour toujours. Mais cette politique totalitaire ne règle rien de façon définitive. Lorsque la liberté est foulée aux pieds comme ce fut le cas dans la Fédération de Malaisie, alors dans le monde entier, toutes les personnes éprises de vérité et de justice s’élèvent avec une juste indignation pour relever le défi.
Le gouvernement ne donna aucune raison pour avoir expulsé les témoins de Jéhovah, toutefois un haut fonctionnaire déclara aux missionnaires : “ Vous sapez et vous troublez toutes les religions établies, qui constituent un si bon rempart contre le communisme. ” C’est là une déclaration révélatrice, surtout lorsqu’on la considère avec d’autres faits. Un ecclésiastique de l’église des “ Frères ” à Penang, par exemple, recommanda à ses paroissiens de ne rien avoir affaire avec les témoins lorsque ceux-ci viendraient frapper à leur porte. Le “ Rév. ” A. J. Bullitt de Newcastle également, grand vicaire de l’évêque de Singapour, se plaignit en disant qu’un titre dans un journal, “ Des Missionnaires sommés de quitter la Fédération Malaise ”, était trompeur car, déclara-t-il, les témoins de Jéhovah ne sont pas de véritables missionnaires. Après quoi il affirma qu’une vingtaine de nouveaux missionnaires étaient en route vers la presqu’île de Malacca, et que dans ce nombre dix seraient destinés à la Société des Missionnaires de l’Église, six à la Mission Presbytérienne Anglaise et quatre à la Société Londonienne de Missionnaires. — Free Press de Singapour, 13 août 1951.
La véritable cause de cette expulsion était ainsi révélée — préjugés religieux et fanatique intolérance ! Les chefs politiques ont étouffé le message du royaume, ils ont fait taire ses proclamateurs à l’instigation de directeurs de conscience pharisaïques. Mais en écoutant ces guides religieux aveugles, quelle erreur grossière commirent les gouvernants malais ! Les principales religions de la chrétienté ne sont nullement des remparts contre le communisme ; c’est pour cette raison d’ailleurs que les religions de la chrétienté se liguent avec le communisme en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Russie etc., cependant que dans ces mêmes pays les témoins de Jéhovah intransigeants sont bannis et jetés dans des camps de concentration. C’est pourquoi, en fermant ses frontières à ces véritables chrétiens, la Fédération Malaise fait le jeu des communistes. Ainsi c’était vraiment dommage que ces “ religions établies ” de la Malaisie n’aient pu être des “ remparts ” suffisants pour empêcher que le délégué de la couronne, Sir Henry Gurney, soit attiré dans un guet-apens et tué deux mois et demi plus tard par des balles communistes.
Faute de discernement des hommes purent commettre une erreur, mais s’ils veulent être sages ils la corrigeront. Sans aucun doute certains des fonctionnaires malais qui furent mal conseillés seront assez sages pour examiner de nouveau la question des témoins de Jéhovah que l’on a considérés comme des indésirables, ce qui fut une grave erreur. Pour cela, que toute personne éprise de liberté écrive immédiatement à ces fonctionnaires. Écrivez-leur brièvement et sans vous écarter de la question, en leur demandant de corriger cette erreur. Montrez-leur qu’il y a des milliers de personnes qui protestent vigoureusement contre ces préjugés d’inspiration ecclésiastique et contre cette brutale intolérance dont a fait preuve la Fédération Malaise. Voici les noms et les adresses des personnalités compétentes et influentes :
H. M. Queen Elizabeth II,
Buckingham Palace, London, S. W. 1
Prime Minister
Rt. Hon. W. L. S. Churchill, O. M., C. H., M. P.
House of Commons, London, S. W. 1
Secretary of State for the Colonies
Rt. Hon. Oliver Lyttelton, D. S. O., M. C.
Church House, Great Smith Street,
London, S. W. 1
The Hon. the Member for Home Affairs,
Dato Onn bin Jaafar, D. K., D. P. M. J.
1 Clarke Street, Kuala-Lumpur, Fédération de Malaisie
The Hon. the Officer Administering the Government,
Mr. M. V. del Tufo, C. M. G., M. C. S.
King’s House, Kuala-Lumpur, Fédération de Malaisie
Mr. H. L. King,
The Director of Immigration,
Havelock Road, Singapour 1
[Carte, page 92]
(Voir la publication)
INDE
BIRMANIE
CHINE
FÉDÉRATION INDO-CHINOISE
THAÏLANDE
FÉDÉRATION MALAISE
PENANG
SUMATRA
SINGAPOUR
BORNÉO
ÎLES PHILIPPINES